Restitution rapide de la rencontre à la ferme urbaine Suzanne le 28 septembre 2023 organisée par FNE Paris et FNE Ile-de-France . 

Objectif de la journée

A partir d’exemples de terrain et de témoignages d’experts, FNE Paris et FNE Ile de France ouvrent le débat sur les atouts, les faux-semblants et les pistes d’avenir de l’agriculture urbaine. Organisée sur le site d’une ferme urbaine dans le 15ème arrondissement de Paris cette première rencontre présente les objectifs d’une agriculture qui veut favoriser les circuits courts d’alimentation et le besoin de connexion des urbains à la nature. Une seconde rencontre prévue en novembre élargira la réflexion aux relations entre agriculture, alimentation et santé à l’échelle de l’Ile-de-France.

Présentation de la ferme urbaine Suzanne

Portée par Cultures en Ville, pionnier de l’agriculture urbaine, la ferme urbaine Suzanne a fleuri grâce à l’appel à projet Parisculteurs qui leur a attribué ce site. Les travaux ont débuté en 2019 et dès l’année suivante les premières récoltes maraîchères ont vu le jour. Cette ferme se distingue par son engagement en faveur de la permaculture, une approche qui permet d’optimiser la croissance des légumes sans recourir aux pesticides, aux OGM ou à tout autre produit chimique. Cette méthode novatrice favorise également l’utilisation optimale de l’espace grâce à l’association de cultures et permet de maximiser les rendements agricoles. Au cœur de ce projet, deux toitures sont mises à disposition pour l’exploitation maraîchère, démontrant ainsi l’ingéniosité de cette ferme urbaine dont :

  • 860 m² dédiés à l’accueil,
  • 570 m² de surface agricole
  • Une cinquantaine de variétés de cultures
  • 4 tonnes de légumes en 2022

Par ces pratiques, la ferme développe une agriculture urbaine low tech et respectueuse du cycle des quatre saisons. Dans un territoire marqué par l’urbanisation, elle a vocation à rendre les pratiques du maraîchage, et plus largement la nature, accessible au plus grand nombre.

1. État des lieux de l’agriculture urbaine en Ile-de-France 
Laure de Biasi – Institut Paris Région

L’agriculture urbaine désigne l’agriculture située dans la ville ou à sa périphérie et dont les produits et services sont principalement destinés à la ville. Les ressources utilisées (foncier, eau, énergie, main d’œuvre, etc.) sont en complémentarité, ou parfois en concurrence avec la ville.

Historiquement, l’agriculture urbaine francilienne a été marquée par 3 périodes distinctes au cours des XIX et XX emes siècles. La décennie 1850-1860 témoigne d’une période faste notamment par le succès de la Plaine des Vertus en Seine-Saint-Denis, devenant alors l’une des plus grandes plaines légumières d’Europe. À partir du milieu du XXème siècle, la progression de l’industrialisation et de l’urbanisation entraine la disparition des fermes maraîchères urbaines et périurbaines de la région. Enfin, les années 1990 marquent le retour de l’agriculture urbaine en France, notamment en Île-de-France. Malgré les différentes crises (alimentaire, sanitaire, sociale), le nombre d’exploitations et de surfaces maraichères en zone urbaine et périurbaine a doublé entre 2010 et 2020.

Aujourd’hui, on trouve de multiples formes d’agricultures urbaines : fermes périurbaines, jardins collectifs, micro-fermes multi activité, systèmes indoor et jardins/poulaillers privés. Les lieux d’agriculture urbaine se concentrent principalement au cœur de Paris et de la petite couronne. Néanmoins, on compte 1300 jardins collectifs et 270 fermes urbaines professionnelles sur l’ensemble de la région. En ville, ces fermes se situent pour moitié sur les toits, un tiers au sol et le reste en intérieur et sur les murs.

L’agriculture urbaine fait actuellement face à plusieurs enjeux. Il s’agit de préserver en priorité les terres agricoles et la complémentarité entre agricultures rurales, périurbaines et urbaines avec un souci de proximité des échanges. Il est également important de développer l’agriculture urbaine dans la diversité de ses formes et de ses fonctions (alimentaire, pédagogique). Enfin, dans une dynamique d’adaptation au changement climatique, il faut veiller à développer une agriculture urbaine qui permette à la ville de devenir plus durable et plus vivable sur le temps long.

Présentation – De Biasi

La présentation en vidéo

IAU- agriculture urbaine

2. La pollution des sols en agriculture urbaine

Anne Barbillon – SecurAgri – AgroParisTech Innovation

  • La contamination des sols indique la présence de polluants dans le sol dans des concentrations anormalement élevées.
  • La pollution concerne les cas de contamination identifiés comme dangereux pour la santé humaine ou l’environnement.

Les préoccupations concernant la pollution des sols dédiés à l’agriculture urbaine sont apparues assez récemment en Île-de-France, bien après la création des premiers jardins et fermes urbaines dans la région.

Causes

D’où proviennent les polluants contenus dans les sols franciliens ? Certaines sources de pollution ont pu être identifiées, parmi elles : les activités industrielles, les transports, le réseau de chauffage urbain ou encore les usages historiques des sols, souvent inconnus. Beaucoup de fermes s’installent aujourd’hui sur des friches dont les usages n’ont pas été “maîtrisés” (dépôt sauvage, feu, etc.). Par ailleurs, certaines anciennes pratiques agricoles comme l’épandage de gadoues urbaines ont également pu contribuer à contaminer les sols de la région. Les sols urbains franciliens ont de plus été souvent particulièrement remaniés, provenant en grande partie de sol de remblai.

Risques

L’exposition à ces polluants présente dans certains cas des risques pour la santé humaine. Ceux-ci peuvent être assimilés par voie d’ingestion (consommation de légumes ou ingestion de sol et de poussière), par voie respiratoire ou épidermique. Devant cette possibilité de rencontrer des sols contaminés voire pollués, il est nécessaire d’évaluer les risques sanitaires associés afin de proposer des mesures de gestion adaptées, en fonction des usages.

Quelles solutions ?

Face à ce problème, un programme de recherche porté par des chercheuses d’AgroParisTech et INRAE a abouti en 2019 à la publication du guide REFUGE. Celui-ci a pour objectif de proposer une démarche d’évaluation des risques liés à la contamination des sols urbains en agriculture urbaine. Un deuxième outil a également été publié en 2020 afin de proposer une démarche de gestion des risques : le plan de maîtrise sanitaire – agricultures urbaines – qui regroupe plusieurs outils permettant aux acteurs d’appliquer et de pérenniser les bonnes pratiques d’hygiène et agricoles sur leur sol, mais aussi d’entamer un processus de traçabilité des usages.

3. Des acteurs de terrain témoignent : du positif comme du négatif

Le “rooftop maraîcher” Plantation Paris a vu le jour en 2020 sur le toit de l’hôtel de logistique SOGARIS situé dans le nouveau quartier de Chapelle Internationale. Aménagé par Cultivate à la suite d’un appel à projet des Parisculteurs, le projet s’étend sur 7 000 m². L’ambition économique avec un partenariat avec l’enseigne Franprix est de créer une jardinière de 1 200m² gérée en agroécologie avec pour objectif la production de 52 tonnes de fruits et légumes ainsi qu’un espace évènementiel (La Grange). Mais depuis son ouverture, la ferme Cultivate ne respecte aucune de ses obligations en matière d’accessibilité et d’accueil du public : pas d’ateliers, ni de formations, ni d’accès public aux jardins partagés comme prévu en amont du projet. Après de multiples signalements de la part d’ASA PNE à la mairie de Paris, la situation reste au statu quo.

Présentation – ASA PNE

L’association Veni Verdi a aménagé un jardin sur le toit terrasse de l’école élémentaire Eva Kotchever à Chapelle International d’une surface de 390 m² de bacs sur une emprise de 570 m². L’association agit depuis 2010 pour une agriculture de proximité participative et sociale, pédagogique et créatrice d’activités économiques, avec la volonté d’apprendre au plus grand nombre à se réapproprier ce savoir essentiel qu’est le vivant. Elle accompagne les élèves de l’école élémentaire qui ont accès aux bacs installés sur le toit de leur école une matinée par semaine. L’association entretient par ailleurs 9 jardins potagers à travers Paris, soit 15 000 m² de surfaces urbaines. Elle accueille environ 1800 personnes chaque semaine, dont 1300 enfants.

Les Jardins Suspendus de Vincennes ont vu le jour en 2013 sur 2 500 m² de toit terrasse. Il s’agissait à l’origine d’un espace public encastré causant beaucoup de nuisances sonores pour les habitants. Aménagé depuis en jardin partagé par des habitants regroupés pour ce projet, ce lieu alliait pratique de la permaculture et approche circulaire de récupération des déchets. Des partenariats ont été établis avec des écoles pour permettre aux élèves de participer activement à l’évolution du site. Un tableau idyllique… Or les Jardins Suspendus ont été expulsés à la fin septembre 2023, pour permettre de rénover un bâtiment sans proposition de la part de la municipalité de retour ou d’un site alternatif sur lequel emménager. Les porteurs du projet envisagent un recours contentieux.

Le Projet Green’elle, lauréat de l’appel à projet Pariculteurs en 2016 prévoit, sans consultation des riverains, d’installer sur les bassins vidés de l’eau, une ferme aquaponique : un élevage de poissons et une production de légumes hors sols sous serres. L’association Respiration Paris 15 s’oppose par la voie juridique à ce projet destructeur d’un ilot de fraicheur et de biodiversité et propose des solutions alternatives.

réservoirs de Grenelle et agriculture urbaine – Respiration Paris 15 -28 septembre 2023

4. Une activité ludique : l’escape game 

La journée s’est poursuivie par une visite des plantations et installations de la ferme Suzanne puis par l’atelier escape game « Demeter ».
Jeux collaboratifs et énigmes ont ainsi permis aux participants de mieux comprendre la saisonnalité des récoltes, la biodiversité des jardins et les services écosystémiques rendus aux citadins par l’agriculture urbaine.