Lettre ouverte adressée à Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République, Monsieur  Edouard Philippe, Premier Ministre, Monsieur Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé, Monsieur Martin Hirsch, Directeur de l’AP-HP, Madame Anne Hidalgo, Maire de Paris. Copie à Mesdames et Messieurs les Conseillers de Paris

L’empreinte écologique de nos sociétés ne cesse de croître, entrainant inexorablement la dégradation de l’environnement, l’appauvrissement de la biodiversité, le dérèglement climatique et l’aggravation des risques pandémiques zoonotiques. Le coronavirus qui nous frappe n’est ni le premier (VIH, Ebola, H5N1, SRAS, MERS, etc.) ni le dernier, d’autres virus suivront, peut-être encore plus dévastateurs.

La technocratie financière a pris le pouvoir sur les médecins et la santé. Des coupes budgétaires drastiques dans l’AP-HP ont mis à mal l’hôpital public qui s’est trouvé sans lits, sans matériel, sans moyens de dépistage, sans personnels suffisants pour affronter ce péril. Le confinement terrible de tout un pays, mesure sans précédent aux effets économiques et sociaux incalculables, ne peut remplacer un service public de qualité.

Triste record : la France est tombée à la douzième place mondiale des dépenses publiques de santé rapportées au nombre d’habitants. Devant l’ampleur de la crise, les plus hautes autorités de l’Etat ont déclaré que la santé devait désormais échapper aux règles du marché.

 

À Paris, la rentabilisation de la santé publique se manifeste, depuis 25 ans, par la fermeture d’hôpitaux et la vente spéculative de leur foncier convoité (Laennec, Saint-Vincent-de-Paul, Boucicaut, La Rochefoucauld, Hérold, Claude-Bernard, Broussais, etc.). Cette politique est insoutenable. Il est urgent de sauver ce qui peut encore l’être, à commencer par l’hôpital du Val-de-Grâce et l’Hôtel-Dieu.

Pour le Val-de-Grâce, l’armée, propriétaire des lieux, reste silencieuse. Secret Défense? Que cachent depuis les grands travaux de terrassement en cours et l’abattage de nombreux arbres d’un espace vert pourtant protégé par le règlement d’urbanisme ? Mystère ! La rumeur évoque une opération de logements de luxe ? Voilà un grand site où l’on pourrait loger bien des personnels de première ligne acclamés tous les soirs par la population et qui pour la plupart viennent du fond de l’Île-de-France pour sauver des vies. Il ne faudra pas les oublier demain.

Le second, l’Hôtel-Dieu jouit d’une incomparable situation. Ce site hospitalier, le plus ancien de la capitale, a lutté contre toutes les épidémies qui se sont succédé depuis des siècles, au point d’être l’une des âmes historiques vivantes du centre de Paris.

Au début des années 2000, alors qu’il témoigne encore de son utilité pour les 350 000 habitants des quartiers centraux, l’AP-HP envisageait de ne conserver que la moitié du site. Le corps médical, les syndicats de personnels, le service des urgences (fermé inexplicablement le 18 mars), les défenseurs du patrimoine urbain et architectural, la mairie de Paris et bien d’autres se sont opposé à une telle amputation, risquant par ailleurs de défigurer cet ensemble patrimonial de toute beauté de l’Île de la Cité. La fermeture des urgences et d’une partie de l’hôpital est restée jusqu’à aujourd’hui profondément contestée.

Au terme de huit ans de débats difficiles, une mauvaise décision a été prise en 2017: Déséquiper le tiers de l’hôpital et le concéder pour 80 ans à un opérateur privé. Le groupe Novaxia a été choisi (avec une offre de 144 millions d’euros, montant scandaleusement faible) pour réaliser un programme essentiellement touristico-commercial, avec l’alibi habituel d’une crèche et de quelques logements étudiants. L’attractivité hyper touristique du site de l’Hôtel-Dieu, au pied de Notre-Dame, a privilégié une vision consumériste, reniant sa vocation séculaire d’accueil et de santé publique.

Paris a mieux à proposer que la privatisation de ces sites symboliques et patrimoniaux au profit de projets touristiques et commerciaux alors que ces modèles économiques mènent la planète à sa perte :

Il faut changer radicalement d’orientation :

De grands projets nocifs ont été stoppés récemment par le gouvernement : Notre-Dame-des-Landes, privatisation d’ADP, Europacity Triangle de Gonesse.

La catastrophe pandémique que nous vivons doit orchestrer un virage de salubrité publique et de sobriété financière et environnementale pour permettre de refonder un plan sanitaire métropolitain vital pour les habitants. Il faut sauver l’intégrité des sites hospitaliers.

Nous comptons sur la clairvoyance et le courage des élus et des représentants politiques pour redonner à l’Hôtel-Dieu et au Val-de-Grâce, la place qu’ils ont toujours occupée dans l’écosystème médical parisien et national, tournée vers les défis de santé publique du 21e siècle.