L’association des Riverains Daumesnil Reuilly adresse une lettre ouverte à la maire du 12ème et à l’adjoint à la mairie de Paris pour s’opposer au projet actuel de rénovation de la place Félix Eboué.

Paris le 22 avril 2025

Madame, Monsieur,

Nous, membres du bureau de l’association Les Riverains du quartier Daumesnil Reuilly, avons attentivement écouté vos réponses au vœu formulé le 9 avril au Conseil de Paris par madame Valérie Montandon, élue du 12e arrondissement et conseillère de Paris du groupe Changer Paris.
Ce vœu, déposé à titre personnel, proposait d’étudier les propositions de notre association en vue de gommer les nuisances apportées par votre projet de réaménagement de la place Félix Eboué, tout en capitalisant sur ses atouts.

Une demande raisonnable puisque votre projet est vivement décrié depuis son lancement sous votre mandature, Madame Pierre-Marie, avec le soutien de la mairie de Paris que vous représentez, Monsieur Belliard. Imposé à une opinion publique largement défavorable (72%) et sanctionné par une première pétition qui avait rassemblé dès 2022 plus de 4 200 signatures, votre plan d’aménagement a généré des inconvénients totalement prévisibles.

Ce contexte exigeait un minimum d’humilité et de respect pour la messagère du vœu déposé le 9 avril, et, derrière elle, tous ceux concernés. Or, nous n’avons entendu que mépris et arrogance. Nous y répondons par cette lettre ouverte au nom de tous ceux que vous refusez d’entendre et dont vous balayez les griefs pourtant très sérieux portés à l’encontre de votre projet.

Une alternative véritablement apaisée pour la future Place « Félix et Eugénie Eboué »

Madame Pierre-Marie, vous avez affirmé que le vœu déposé le 9 avril est « honteusement opportuniste, mensonger et hors sol. » Pourtant, aucun des habitants du 12e n’a oublié la promesse de campagne de l’alliance PS-EELV en 2020 qui annonçait un plan « comme à la Nation » (vaste giratoire aménagé et paysager). La promesse s’est transformée, après votre arrivée à la mairie – et à la stupéfaction générale – en un plan « comme à la Bastille », avec une circulation très contrainte dite « en fer à cheval ». Appliqué à l’espace insuffisant place Félix Eboué, ce parti-pris a engendré les problèmes qui vous ont été remontés maintes fois. Vos choix, madame, monsieur, pénalisent vos administrés, et vous n’en avez cure.

Vous avez imposé une vision unique dès la phase de « concertation », la rendant insincère, et escamoté les études d’impact réclamées par les habitants. Notre association s’est alors mise au travail. Tout en faisant appel à la justice pour stopper les travaux, elle a réuni à travers ses membres des experts de différents domaines (droit du développement durable, urbanisme, architectes, spécialistes du patrimoine). Résultat : un projet alternatif et des demandes pour vous rencontrer. En vain.

Madame Pierre-Marie, vous avez affirmé le 9 avril que les équipes techniques de la Ville sont « attaquées » par notre démarche d’amélioration. Vous évoquez « (…) le dénigrement constant – et c’est maladif – sur les équipes de la Ville dont vous crachez en permanence dessus [sic] ». De fait, personne n’attaque ces équipes que vous érigez en paravent pour échapper à votre responsabilité d’élue. Notre association appelle au contraire à travailler avec les services de la Ville. C’eut été une belle marque de succès collectif.

Votre méthode : certitudes inébranlables, irrespect des personnes et… déni d’écologie

« On a une divergence majeure » affirmez-vous, Monsieur Belliard « c’est que vous souhaitez garder un rond-point, et pas nous ; c’est ça le truc [sic] ; c’est pour ça qu’on a peut-être un problème pour s’entendre. ». Monsieur, il suffisait de se pencher sur le projet proposé pour comprendre que nous recommandons un retour à votre plan initial de campagne en l’adaptant à votre second projet de « vaste place de vie centrale » pour y réinjecter un peu de fluidité. Notre projet élimine ainsi purement et simplement les nuisances dont souffrent riverains et usagers, sans augmenter le volume alloué aux véhicules sur la place. Une solution peu coûteuse et équilibrée.

Quid de votre promesse écologique ? Notre projet, là aussi, répond mieux aux enjeux du réchauffement climatique. Le plan que vous récusez permet non seulement une végétalisation en volume et en qualité supérieure au vôtre, mais aussi de ventiler les véhicules dans l’espace plutôt que de les concentrer, comme vous le faites, sur le tracé de l’ICU (îlot de chaleur urbain) existant.

Monsieur Belliard, nous avons compris que le giratoire, que vous associez au « tout voiture », est votre ennemi idéologique. Mais pour avoir sa peau, vous pactisez avec un îlot de chaleur ! Où est la logique ?

Quant au patrimoine, vous affirmez « nous y avons également pensé (…), il sera possible de s’approcher à pied de la fontaine aux lions pour y flâner, pour s’y rafraîchir… ». C’est un peu court, et nous avons davantage d’ambition : nous souhaitons le retour des perspectives historiques en étoile, soutenues par les tracés paysagers, plutôt que votre place dissymétrique en chapeau melon d’où les axes historiques ont disparu. Enfin, nous souhaitons que la place soit rebaptisée « place Félix et Eugénie Eboué » pour rendre hommage à la grande résistante et pionnière du féminisme autant qu’à son époux.

Refus du dialogue et mépris de la démocratie

Madame, Monsieur, les associations de quartier de type loi 1901 font partie des corps intermédiaires et sont clés pour le bon fonctionnement de la démocratie locale. Notre association est formée de citoyens de tous les bords politiques : des sympathisants PS-EELV ayant soutenu Emmanuel Grégoire, des adhérents  Horizons ou Renaissance et des sympathisants LR. Des personnes qui se sont regroupées – malgré leurs différences et divergences de vue – en collectif constructif. Vous leur devez le respect, or, c’est en ennemi que vous leur répondez. Honte à vous.

Votre stratégie d’esquive vous a fait rater la « Rencontre citoyenne et festive » organisée place Félix Eboué par notre association. Votre place était à nos côtés pour échanger avec les plus de 500 personnes venues comprendre les enjeux autour des deux projets présentés. Rappelons les recommandations du rapport des CoDev dans le cadre des projets en matière d’urbanisme : « pour instaurer une véritable concertation avec les habitants, leur participation doit être au centre des projets afin de mieux répondre à leurs besoins et à leurs usages. L’organisation d’ateliers d’urbanisme regroupant tout au long du projet, de la concertation préalable à la réalisation du projet, habitants, acteurs locaux, professionnels de l’urbanisme et élus apparaît comme une ouverture vers une réelle co-construction. Les attentes et les besoins doivent être écoutés, les décisions argumentées, sans négliger surtout celles qui sont rejetées afin de conserver la crédibilité des concertations et la confiance des participants. » Avec vous, nous en sommes loin.

Face à votre mépris, nous poursuivons notre travail de mission associative et en totale neutralité avec les femmes et les hommes de bonne volonté de toutes orientations politiques. Parce que l’urgence écologique l’exige, et parce « qu’un bon projet est un projet bon pour tous ». Nous suivons en cela les convictions de Félix Eboué : « Jouez le jeu ! Jouer le jeu, c’est être désintéressé. C’est piétiner les préjugés, tous les préjugés, et apprendre à baser l’échelle des valeurs uniquement sur les critères de l’esprit. Jouer le jeu, c’est respecter l’opinion d’autrui, c’est l’examiner avec objectivité et la combattre seulement si on trouve  en soi les raisons de ne pas l’admettre, mais alors le faire courageusement et au grand jour. » Nous vous invitons à vous en inspirer.

Le Bureau et les adhérents de l’Association des Riverains du quartier Daumesnil Reuilly.