La contribution de FNE Paris au projet de PLU de Paris sur l’OAP « Santé publique et environnementale » se trouve après l’introduction.
L’enquête publique pour la révision du PLU de Paris est ouverte du 8 janvier au 29 février 2024. La Ville de Paris a décidé en décembre 2020 de réviser son règlement d’urbanisme. Cette démarche s’est faite en plusieurs phases et, à chacune d’elle, FNE Paris a déposé une contribution. L’enquête publique est la dernière phase de ce processus et, donc, la dernière occasion de faire évoluer le projet de PLU voté en juin 2023 par le Conseil de Paris.
Des évolutions notables ont été consenties sur les espaces verts privés et leur protection, l’arrêt des constructions de bureaux dans la partie ouest de Paris, le plafonnement à 37 m des hauteurs des constructions, notamment. Des avancées supplémentaires sont souhaitables et possibles, en particulier au regard des nombreuses exceptions et dérogations prévues au projet de PLU.
FNE Paris a déposé deux premières contributions qui contiennent des propositions précises de modification du règlement ; vous pouvez les consulter sur le site internet de l’enquête publique :
- Notre contribution générale avec pdf à télécharger sur ce lien (cliquer) : https://www.enquete-publique-plu-paris.fr/voir-avis/d3344757-760e-40a8-8cdb-9aa382b4d9dd
- Notre contribution spécifique sur la santé publique et environnementale avec pdf à télécharger sur ce lien (cliquer) : https://www.enquete-publique-plu-paris.fr/voir-avis/6136e997-7c8e-497f-8462-2469947f4d46
Au-delà de ces contributions générales de FNE Paris, n’hésitez pas à participer aux réunions publiques, à déposer votre propre avis (https://www.enquete-publique-plu-paris.fr/deposer-son-observation), tout particulièrement pour ce qui concerne votre quartier et les combats que vous menez.
FNE Paris tient une réunion sur ce thème jeudi 25 janvier à 18h à la Fondation pour le progrès de l’homme (38, rue Saint Sabin, Paris 11e).
Contribution de FNE Paris au projet de PLU de Paris sur l’OAP « Santé publique et environnementale »
La gravité des problèmes sanitaires en France (2/3 Français touchés par une maladie chronique, 1/5 Français souffre d’une maladie mentale, la Pandémie du COVID19, qui a fait 116 000 décès, qui reste toujours présente) et la crise climatique qui s’amplifie, avec ses conséquences sanitaires directes et indirectes attendues, ne se reflètent pas dans le contenu de cette OAP « Santé publique et environnementale » de la ville de Paris qui doit apporter sa contribution et ses propres réponses à ces défis sanitaires. Le Plan Paris Santé environnement de 2016, mis à jour en 2023, s’était fixé comme priorité dans sa Fiche action 1, « Mieux intégrer la santé dans les projets d’urbanisme », mais l’OAP Santé publique et environnementale reste superficielle.
Si la question sanitaire est plus ou moins « présente » dans les autres OAP, la synthèse réalisée ici reste maigre et confuse, la prise en compte de cette question majeure pour les Parisiens et pour l’habitabilité future de la capitale face à la crise climatique, est insuffisante.
On ne trouve, par exemple, aucune référence aux travaux du récent PRSE 4 (Plan régional santé environnement pour l’Ile-de-France axé sur la sante globale), ni d’articulation à la SNPE 2 (Stratégie nationale des perturbateurs endocriniens) qui auraient pu orienter et alimenter cette OAP santé publique, ni de prise en compte du rapport de la Mission d’information et d’évaluation du Conseil de Paris, « Paris à 50°C : s’adapter aux vagues de chaleur » (avril 2023), qui a alerté sur ce dangereux scénario possible, ni des recommandations du Haut Conseil pour le Climat (HCC). Les mesures envisagées ne sont pas à la hauteur des défis sanitaires et climatiques.
L’OAP est divisée en 2 grands points : rappel des orientations des autres OAP (synthétisées en 6 actions) et orientations complémentaires à certains secteurs.
1/ Rappel des orientations des autres OAP thématiques en relation avec la santé
a) renforcer l’accès à l’offre de soins.
La distinction doit être faite entre le système de santé, l’offre de soins par les hôpitaux et la médecine conventionnelle qui pratiquent l’action curative, qui relève de l’Etat (Sécurité sociale et Assurance maladie), et la santé environnementale qui agit par action préventive, en intervenant en amont sur l’environnement par l’urbanisme – il en détermine la qualité – et qui relève de la compétence des collectivités locales surtout. La santé environnementale concerne l’urbanisme favorable à la santé qui est défini, d’une part, par des actions de protection contre les nuisances et les substances toxiques présentes dans l’environnement qui altèrent la santé, et, d’autre part, par des actions de promotion pour soutenir et améliorer la santé en agissant sur l’environnement (design actif, etc.). Ces deux actions curative/préventive sont bien sur complémentaires.
> Pour que l’offre de soins et l’hôpital soient renforcés, les lits multipliés, comme il est souhaité, il faudrait que les opérations de bradage des hôpitaux comme celles de l’Hôtel-Dieu et d’autres équipements franciliens (Juvisy-sur-Orge) à des groupes privés, pour y développer des activités commerciales et marchandes, soient refusées : la Maire de Paris est présidente du conseil de surveillance de l’APHP.
b) végétalisation et rafraichir la ville, constructions neuves et changement climatique :
Ces deux points portent sur la crise climatique et ses effets sanitaires.
Il est prévu d’agir sur les ICU en renforçant la place du végétal (300 ha nouveaux sont prévus mais restent à trouver) et en désimperméabilisant le sol…, et d’intervenir, en particulier, sur les secteurs de la capitale les plus vulnérables : ces mesures vont dans le bon sens, mais sont-elles suffisantes, réalisables, à la hauteur des enjeux sanitaires ?
Les conséquences sanitaires du réchauffement climatique sont nombreuses.
– Canicules : coup de chaud, déshydratation…, avec des conséquences graves pour les personnes sensibles surtout (bébés, personnes âgées, malades chroniques, femmes enceintes…) ; il faut tenir compte non seulement de la vulnérabilité physiologique des personnes, mais aussi sociale et professionnelle, des conditions de travail. Les moyens proposés pour faire baisser l’ICU en cas de canicules sont-ils adéquats et suffisants ?
Une étude récente de The Lancet Planetary Health (2019), portant sur 854 villes dans 30 pays européens, a conclu « Paris, ville la plus meurtrière » d’Europe, en cas de canicule : en cause, peu de végétation et trop de goudron qui amplifient l’ICU. L’Institut Paris Région a produit une « carte interactive sur la chaleur urbaine en région parisienne » (juillet 2023), en repérant les espaces où les Franciliens sont les plus concernés : 99% à Paris, 63% en petite couronne, 21% en grande couronne, soit prés de 3 685 000 Franciliens touchés dont 845 000 très sensibles (- 5 ans et + 65 ans).
> Contre les ICU, outre la faible végétalisation de Paris (5,8 m2/hab sans les 2 bois extérieurs) à renforcer, d’autres facteurs sont aussi à prendre en considération : la densité du bâti (construction et minéralisation excessives), à réduire, la densité des activités (20% de l’ICU) et le surtourisme, à limiter, le type de végétation résiliente à la forte chaleur, à préciser, les arbres surtout, à renforcer. Selon les experts, pour une efficacité optimale, il faudrait, dans chaque quartier, avoir au moins 30% de surface arborée avec un espace vert à 300 m de chez soi. Les 300 ha d’espace vert prévus par la Ville sont, de l’avis général, irréalistes, impossibles à trouver. L’adaptation aux canicules et à leurs effets sanitaires, reste donc problématique, il en va de même pour les autres événements climatiques extrêmes, à prendre en compte également (tempêtes, orages violents, inondations, sécheresse…), avec leurs effets directs et indirects sur la santé.
– Eco-anxiété : l’impact de la crise climatique sur le mental (sommeil, lien social, stress, dépression, suicide…), chez les jeunes, surtout, est aujourd’hui réel. Il faut freiner cette tendance anxiogène et ses conséquences par des moyens adéquats, des politiques crédibles, une plus grande participation des jeunes aux décisions…
– Circulation des virus : la récente pandémie du COVID19 a été un avertissement, selon l’IPBES et l’OMS. Le risque de développement et de multiplication de maladies zoonotiques et de pandémies virales dans l’avenir est accru par le réchauffement climatique qui entraine le bouleversement et le déplacement des écosystèmes : moustiques, tics, mammifères sauvages, oiseaux migrateurs deviennent des vecteurs potentiels porteurs de virus pouvant infecter l’homme, par la médiation d’animaux d’élevage, par exemple, (l’élevage industriel est en progression). Si le combat, pour se prémunir contre les pandémies futures, est surtout national et international, la place de l’action locale et régionale reste aussi à définir en s’inspirant, par exemple, du futur PRSE Ile-de-France (2024-2028) orienté sur la question de la « santé globale » (One Health), et en tirant les enseignements et les leçons de la récente pandémie, en soutenant la place de l’hôpital…
– Autres effets sanitaires indirects : l’eau (raréfaction, qualité), l’alimentation (sécheresse, baisse des rendements agricoles…) seront également affectées, à plus ou moins long terme, des migrations climatiques importantes sont également attendues avec des conséquences sociétales et sanitaires à prévoir… Là aussi, les actions internationales et nationales de prévention et prévision doivent se décliner à l’échelle régionale et locale. L’eau notamment, avec l’ARS qui veille également sur sa qualité, doit être surveillée, de même le tri des déchets organiques et leur recyclage (compostage) doivent être mieux organisés et orientés vers l’agriculture.
Outre les émissions de GES responsables du dérèglement climatique, les énergies fossiles, sont aussi à l’origine des pollutions :
- Pollution atmosphérique : NO2, COV, PM, qui découlent du trafic, affectent le système respiratoire, (asthme, bronchites, allergies…) et l’appareil cardiovasculaire (cardiopathies, AVC…), on compte plus de 40 000 morts /an en France, 4 M dans le monde. La Ville doit poursuivre sa politique annoncée de réduction des énergies fossiles par des actions plus dynamiques de révision des mobilités (transports publics et intermodalité à renforcer), de transition énergétique (rénovation thermique et énergies renouvelables à développer).
- Pollution sonore : due au trafic routier surtout et sa concentration sur certains axes de circulation, la croissance des deux roues motorisées. Les effets sanitaires délétères sont connus, (lésions auditives, troubles du sommeil, maux de tête, hypertension, maladies coronariennes….). la Ville doit intensifier ses mesures de lutte contre le bruit et contre les nouveaux agents et facteurs de diffusion des nuisances sonores.
c) constructions neuves
L’OAP ne mentionne pas clairement la lutte contre la pollution de l’air intérieur qui reste pourtant un problème majeur de santé publique dans les constructions existantes, ou à réaliser, destinées à l’enfance et aux jeunes (crèches, écoles, collèges, lycées…). Tenir compte de la qualité de l’air interne est fondamentale (on y passe 90% du temps). L’air intérieur est dégradé soit par manque de ventilation, de mauvaise aération, à corriger, soit par emploi de matériaux de construction toxiques (PVC pour plancher, fenêtres, produits et matériaux en plastique, mousses de protection contre incendie, isolation synthétique, peinture au plomb, colles dans panneaux en bois….), des matériaux à proscrire et à remplacer par des matériaux écologiques, naturels, biosourcés…
> Après le drame de l’amiante, les connaissances actuelles sur les perturbateurs endocriniens (PE), et leurs effets, exigent l’établissement rapide d’un inventaire des matériaux toxiques contenant des PE dangereux (phtalates, phénols, PFAS….), à éliminer dans la construction (la charte VTSPE « Villes et territoires sans PE » du RES a été signée par plus de 200 villes qui ont pris conscience du risque sanitaire, Paris a signé en 2017 et la Région IDF en 2019). Les PE sont à l’origine de nombreuses pathologies graves : naissance prématurée, mortalité prématurée, troubles du langage, hyperactivité, troubles de la fertilité, cancers, diabète, obésité…, ils agissent surtout durant la période de grossesse et de la petite enfance. Selon l’ORS, la mortalité infantile est en hausse en Ile-de-France, entre 2000-2020, et la Seine-Saint-Denis est en tête : une évolution inquiétante à questionner. La SNPE se penche sur cette question cruciale des perturbateurs endocriniens pour les identifier et les combattre. La qualité de l’environnement intérieur, de l’air en particulier (l’espace biomatique), doit donc être surveillée par un meilleur contrôle des matériaux de construction et d’aménagement, des systèmes de ventilation (mécaniques ou manuels).
– Rénovation thermique du parc immobilier : dans les actions de la Ville sur le climat, outre l’adaptation au réchauffement et ses conséquences (lutte contre les ICU), l’atténuation (annoncée dans le Plan Climat 2024-2030) ne doit pas être négligée. La rénovation thermique du parc immobilier parisien, un chantier colossal par son coût, doit commencer prioritairement par le logement social de la Ville (RIVP), logements qui sont souvent des passoires thermiques : une politique qui se fait encore attendre.
d) promouvoir une alimentation durable
L’alimentation est un environnement, ce qui veut dire qu’elle détermine notre santé. Il faut veiller à garantir une alimentation bio dans les cantines scolaires et dans la restauration collective pour combattre, là aussi, la présence des PE dans la nourriture (pesticides et autres substances chimiques) et des additifs utilisés dans les aliments ultra transformés, dont les effets nocifs sur la santé sont aujourd’hui notoires (cancers, diabète, obésité….). Parler d’agriculture urbaine dans Paris pour y répondre est incongru: l’agriculture urbaine à Paris ne peut avoir qu’un rôle pédagogique et symbolique.
> La promotion d’une alimentation durable bio est possible par le développement d’une agriculture périurbaine et régionale, durable et bio, à favoriser dans les nouveaux Projets d’alimentation Territorial (PAT), par exemple, ainsi que par une action d’information et de sensibilisation en direction des publics jeunes et moins jeunes sur l’alimentation, sur le régime alimentaire à changer. La place de l’alimentation est, on le sait, centrale pour l’amélioration de la santé : elle passe par une autre agriculture, une autre distribution, un changement de régime alimentaire, sur lesquelles la Ville doit contribuer pour construire et renforcer de nouvelles relations, de nouvelles dynamiques entre urbain et rural (circuits courts, AMAP…). Les échelles d’action de cette politique sont surtout métropolitaine et régionale, avec des coordinations à construire.
e) mobilités et espace public.
La promotion de la marche et des mobilités actives (vélo) va dans la bonne direction pour la santé. Si les deux roues sont favorisées (pistes cyclables), l’espace du piéton se restreint à Paris en raison souvent de l’encombrement des trottoirs. Pour diminuer la place de l’auto dans Paris et réduire la pollution, il faut encourager l’autopartage (véhicules électriques), améliorer et multiplier les transports publics…
> Concernant les activités sportives, équipements et espaces sportifs sont-ils suffisants pour satisfaire tous les Parisiens ? Leur localisation en bordure du périphérique est-elle adéquate ? La « ceinture verte » autour de Paris est-elle réelle?
L’OAP « Quartier du quart d’heure », et ses effets bénéfiques sur la santé, est-elle une réalité pour tous ? Elle revient souvent dans l’OAP santé publique : mais d’une part, les équipement sportifs ne sont pas toujours à 15’ de chez soi, et d’autre part, 1 M de personnes entrent et sortent chaque jour dans/de Paris pour y travailler, en passant 1h voire 2 h dans les transports publics, ou dans des bouchons, dans des conditions de voyage souvent difficiles, source de stress, de fatigue, défavorables à la santé. Mystificatrice, la notion de « ville du quart d’heure » ne concerne qu’une minorité d’habitants privilégiés du centre-ville.
f) secteurs spécifiques
Il s’agit ici des secteurs particuliers du périphérique, de la Seine, des canaux, des bois, sur lesquels sont prévues des mesures spécifiques pour améliorer leurs qualités environnementales et impacter la santé des habitants.
Le boulevard périphérique est le cas le plus problématique et emblématique. Par le trafic qu’il connaît, (1,3 M de déplacements /jour), il engendre des taux de pollution qui dépassent les seuils de l’OMS sur la qualité de l’air en matière de dioxyde d’azote (120% plus que le centre de Paris), d’ozone, de particules fines et ultrafines PM (19 ymg/m3), de benzène…., pour le bruit également (88 décibels). Plus de 100 000 personnes vivent à proximité et on trouve aussi, aux abords, des crèches, écoles, collèges, lycées, logements étudiants (Cité U), 2 hôpitaux, 27 stades. Un scandale sanitaire permanent contre lequel lutte, entre autres, l’association d’habitants Respire Périph ! La Cour administrative d’appel a confirmé (2022) l’annulation, pour raisons de santé environnementale, de 2 grands projets Réinventer Paris, « Mille arbres » et « Multistrates », prévus sur le périphérique : un précédent qui doit faire jurisprudence.
Cela n’a pas empêché la Ville de continuer de réaliser des grands projets sur ou autour du périphérique : Bruneseau, Bercy, Montreuil, Tour Triangle, Paris Nord-Est… une « bétonisation » des espaces disponibles le long de l’anneau du périphérique qui détruit la ceinture verte.
> Les actions proposées pour l’« apaisement progressif du boulevard périphérique » ne sont donc pas à la mesure des enjeux sanitaires posés dans/par ce secteur, elles ne vont pas dans le sens souhaité. Il faudrait restaurer la ceinture verte, stopper sa bétonisation à outrance, sauver les espaces verts libres et planter plus d’arbres (200 arbres ont été coupés à la Porte de Montreuil), plus de végétation, plus de barrières anti-bruit… Mettre finalement en œuvre le projet de transformation progressive de cette autoroute urbaine en boulevard urbain, avec une vitesse limitée à 50 km/h, abolir la coupure avec la banlieue, pour pouvoir aller vraiment vers cet apaisement visé.
Le périphérique parisien est une des principales sources de pollution de Paris, et l’Etat est co-responsable de sa gestion. Il a été condamné le 8 novembre dernier, à une amende de 10 M d’euros par le conseil d’Etat pour son inaction en général contre la pollution de l’air dans les grandes villes.
2/ Orientations complémentaires applicables dans la ceinture verte et sportive
L’OAP revient sur le secteur problématique de l’anneau périphérique où se concentrent la ceinture verte et des équipements sportifs, en reprécisant et en répétant les mesures envisagées.
La critique en a été faite plus haut : la réalité de la ceinture verte est questionnée, la Localisation des équipements sportifs (27 stades) prés du périph est dangereuse, etc…
Albert Levy, FNE Paris