Le Plan local d’urbanisme de Paris est en cours de révision. Une vingtaine d’associations menées par France Nature Environnement Paris alertent face au risque d’une « impasse majeure, urbaine et environnementale » et appellent à mettre l’accent sur la démocratie locale, la nature, la densité urbaine et les liens avec la métropole.
Cette tribune a été publiée dans le Journal du Dimanche le 11 03 2023
Pour nos associations, des projets immobiliers comme ceux de la Tour Triangle, de la gare d’Austerlitz, de Multistrates et autres « Réinventer Paris » conduisent la capitale la plus dense et la moins verte d’Europe tout droit à une impasse majeure, urbaine et
environnementale.
« Halte au Monopoly urbain » avons-nous clamé. Pétitions, recours, manifestations et
débats houleux au Conseil de Paris atteignaient un niveau inédit, témoignant du très fort
rejet d’un certain urbanisme par la population. La municipalité a fini par en convenir et a
déclaré l’actuel Plan local d’urbanisme (PLU) « obsolète » ; la révision en a été engagée en
décembre 2020, un vote en Conseil de Paris et une enquête publique doivent se tenir dans
les mois qui viennent.
Nous voulons aujourd’hui insister sur quatre points essentiels : la démocratie locale, la place
de la nature à Paris, la densité urbaine et la relation avec la Métropole du Grand Paris.
Renforcer la Démocratie locale
Convenons-en, la Ville a fait vivre la concertation à toutes les étapes du projet : conférence
citoyenne, conseils de quartiers, sites de débats en ligne, documents mis à disposition du
public, réunions thématiques, conférences, rencontres avec des associations.
Toutefois, concerter sur un règlement d’urbanisme n’est pas aisé ; le vocabulaire (EVP, ARP,
EBC, « bande Z », prospects …) reste opaque au grand public, voire à certains décideurs ; les
conséquences, à l’échelle d’un quartier et a fortiori du territoire parisien, de règles
géométriques ou normatives sont des plus difficiles à appréhender.
Les Parisiens doivent être en mesure de comprendre les enjeux de ce PLU. Il est donc
essentiel que l’étude d’impact qui figurera au dossier d’enquête publique soit très explicite
et fasse objectivement état des conséquences les plus notables du règlement et que le
résumé non technique soit des plus pédagogiques ; à défaut, le public ne pourrait se
prononcer valablement et le futur PLU s’en trouverait inévitablement fragilisé.
Sanctuariser la Place de la nature à Paris
Des points majeurs semblent avoir été pris en compte : suppression de la bande de 15
mètres où les arbres pouvaient être abattus sans compensation, intangibilité des Espaces
Verts Protégés, suppression des coefficients de biotope qui assimilaient des toitures
« végétalisées » à des plantations de pleine terre, protections nouvelles d’arbres ou
ensembles arborés, encadrement des « remplacements d’arbres abattus pour raison
sanitaire ou sécuritaire » …, nous nous en félicitons.
Toutefois, il faut aller au-delà des mots, trop souvent galvaudés :
Non ! Paris ne sera pas un parc naturel urbain en 2030 comme le prétend le plan
biodiversité.
Non ! les « forêts urbaines » ne seront pas des forêts mais des bosquets.
Non ! il n’est pas équivalent de créer de toutes pièces un nouveau jardin public ou,
simplement, d’ouvrir au public un espace de nature préexistant.
Cette passion nouvelle de la Ville de Paris pour la Nature doit se manifester par des preuves
d’amour, pas seulement par des mots : augmentation significative de la surface des espaces
verts protégés et emplacements réservés, protection stricte d’au moins 10% des arbres
publics ou privés, soit des milliers, localisation graphique précise des 300 hectares
supplémentaires de jardins annoncés, protection réelle des talus du périphérique et de la
Petite Ceinture.
Nous demandons également la mise en place des moyens, humains et financiers
nécessaires, tant il est vrai que des intentions sans moyens resteront lettre morte
Les budgets nécessaires aux acquisitions foncières, préemptions de terrains, aménagements
de jardins publics … doivent être réservés ; le milliard d’euros annuel de droits de mutation à
titre onéreux permet de trouver ces ressources.
Limiter la Densité urbaine
L’interdiction de la construction de nouveaux bureaux dans les arrondissements de l’ouest et
du centre serait, si elle se confirme, une avancée très significative.
La réhabilitation et les logements seraient privilégiés, ce qui va aussi dans le bon sens.
Malheureusement, au lieu de se concentrer sur la réduction de la vacance et la limitation
des locations touristiques, la Ville semble toujours poursuivre l’idée d’une course sans fin
pour créer plus de logements qu’il ne disparaît de résidences principales : aujourd’hui, Paris
perd des résidences principales malgré les constructions neuves.
L’idée de la ville serait d’autoriser des dépassements généralisés des hauteurs dans les rues
de plus de douze mètres et dans le secteur des « bâtiments modernes ». Des millions de m 2
supplémentaires pourraient ainsi être construits dans les années à venir. Après la
densification massive permise par la loi ALUR, le risque d’une nouvelle rupture dans
l’urbanisme parisien se profile. Que restera-t-il du Vieux Paris, des hauteurs et des
morphologies faubouriennes héritées et pittoresques, comme de la protection de paysages
particuliers ? La sur-densification induirait de graves conséquences en termes d'ilots de
chaleur, déplacements, de saturation des espaces, la qualité de vie des habitants et celle du
patrimoine et des paysages urbains en serait encore détériorée. Nous récusons tout
dépassement d’un plafond de 37m dans Paris, quel que soit le quartier, actuel ou à
aménager. Quoi qu’il en soit, le potentiel constructif qui découlerait du nouveau PLU doit
être objectivement évalué et clairement indiqué dans l’étude d’impact, tant en valeur
absolue qu’en rythme annuel estimé.
Inscrire Paris dans la métropole
Les « liens métropolitains » semblent, pour la Ville, se limiter aux franchissements du
Boulevard périphérique. Or, l’équation de l’avenir d’un Paris adapté au changement
climatique et acteur des grands équilibres sociaux et économiques n’est soluble qu’à
l’échelle de la Métropole voire de l’Ile de France : mobilités, localisation des équipements,
des bureaux et des logements, corridors écologiques …
Dans le secteur du Boulevard périphérique, la Ville semble encore rester prisonnière
« d’injonctions contradictoires » et, donc, incompréhensibles : sous couvert de protection et
de développement de la ceinture verte, des projets de construction massive – comme à la
porte de Montreuil- continuent d’être conduits aux portes de Paris ! Dès lors que la Ville
veut faire financer le franchissement du Boulevard périphérique par des opérateurs privés,
cela conduit inévitablement à une densification insupportable dans une zone peu salubre et
déjà congestionnée.
L’évolution, éminemment souhaitable, du Boulevard périphérique vers un boulevard plus
apaisé pose des questions circulatoires et urbaines majeures ; sa « reconquête et
transformation" ne peuvent être qu’une perspective de très long terme. Dans cette attente,
nuisances sonores et mauvaise qualité de l’air devraient dissuader de bâtir à proximité du
Boulevard périphérique ; à l’inverse, il y a lieu de sanctuariser ses abords végétalisés pour
préserver et développer ce qui demeure de la ceinture verte.
Aujourd’hui, le projet de PLU n’est pas stabilisé. Nous savons la municipalité parisienne
capable du pire : Tour Triangle, Austerlitz, Bruneseau, Bercy Charenton, Porte de
Montreuil…
Peut-elle être capable du meilleur ? Nous le souhaitons.
Associations Signataires
FNE Paris
ADA 13
Agir Solidairement pour le Quartier Popincourt
Air Data Center 11
Amicale Reille
Amis de Bercy-Charenton
ARBRES
ASA PNE
Cavée Goutte d’Or
Collectif Austerlitz
Ecologie sans frontière
Les inCOPruptibles
Monts14
Netter-Debergue
Paris Historique
Réseau Environnement Santé
Respiration Paris 15
RESPIRE
Respirons Mieux dans la Ville
Retrouvons le Nord de la Gare du Nord
Sauvons La Rochefoucauld
Sauvons les arbres de l’îlot Navarre
SOS Paris
Tunnel des artisans