À la demande du chef de l’État, des membres du collectif Austerlitz ont été reçus, le mardi 7 mars, par ses conseillers en charge des affaires internationales globales et de l’environnement.
Cette rencontre fait suite à l’appel au président de la République lancé dans le Journal du Dimanche par 50 personnalités pour imposer l’annulation du projet de construction, le long de la gare d’Austerlitz, d’un « mur » de 300 mètres de long sur 37 mètres de haut, abritant notamment un centre commercial grand comme 5 hypermarchés1 et 50 000 m2 de bureaux2, pour un coût global d’un milliard d’euros, financé à plus de 80% par l’Agence française de développement3.
Le collectif Austerlitz a rappelé au cours de la réunion que ce projet fait l’unanimité contre lui, du fait de son impact sur le patrimoine architectural, de son caractère climaticide et de son absence totale d’intérêt économique. Il a dénoncé les contre-vérités de la direction générale de l’AFD quand elle affirme que le projet bénéficierait d’un label « plan climat Paris » (label qui n’existe pas) et ne mobiliserait pas de financements publics, alors que l’AFD est un établissement public détenu à 100% par l’État4.
Christine Nédélec, présidente de FNE Paris et de SOS Paris, déclare : « Pour la première fois, nous avons eu une écoute attentive de décideurs publics en position de mettre un terme à cet investissement absurde dans un projet d’un autre temps. Nous espérons que le président de la République saura imposer un retour à la raison. »
Olivier Le Marois, porte-parole du collectif Austerlitz et président d’inCOPruptibles, précise : « Les travaux n’ont pas débuté, il est encore temps de suspendre ce projet sans préjudice réel significatif pour les parties, pour se donner le temps de concevoir un projet qui réponde aux défis de notre millénaire. »
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1 Alors que les centres commerciaux voisins Italie 2, Ivry et Bercy sont en quasi-faillite.
2 Alors que 4,2 millions de m2 de bureaux cherchent preneur en Ile-de-France – à titre d’exemple, les 90 000 m2 des tours Mercuriales à Bagnolet sont vides.
3 L’Agence française de développement achète la totalité des 50 000 m2 de bureaux à Austerlitz pour un investissement global de 924 M€ – voir avis défavorable du Conseil Immobilier de l’État en date du 17 juin 2021
4 La dette AFD fait partie de la dette publique, plafonnée à 60% du PIB, selon Eurostat 23 avril 2018 et, en tout état de cause, l’AFD est soumise aux ratios bancaires, qui imposent d’augmenter les fonds propres quand la dette augmente. L’État, actionnaire à 100% de l’AFD, a d’ailleurs recapitalisé celle-ci en juin 2021 à hauteur de 1,5 milliard d’euros en juin 2021.
Note au Président de la République
Objet : investissement de l’AFD dans le projet Austerlitz
Le projet dit de « modernisation de la gare d’Austerlitz » a été initié par Gares & Connexions pour financer les 90 M€ de réfection de la grande halle d’Austerlitz. Ce projet a dérivé vers un projet immobilier d’envergure, d’un montant global d’1 Mds €, car le trafic voyageur de la gare d’Austerlitz est insuffisant pour faire vivre des surfaces commerciales comme c’est le cas à Saint-Lazare.
Le projet Austerlitz, dont l’aménageur est la SEMAPA, SEM de la Ville de Paris, consiste désormais en la construction d’ici 2026 d’une barre de 300 mètres de long sur 37 mètres de haut à côté de la gare d’Austerlitz, abritant notamment 50 000 m2 de bureau, un centre commercial de 25 000 m2 et 10 000 m2 de logements.
Dans un contexte où l’immobilier commercial est sinistré par le développement du télétravail, ce projet ne pourrait voir le jour sans l’engagement d’un acteur public – ici, l’AFD – à acheter en VEFA la totalité des bureaux pour un montant de 836 M€.
Cet investissement de l’AFD fait l’objet de multiples contestations :
- les défenseurs du patrimoine, tel Stéphane Bern, s’alarment de l’impact d’un projet situé au cœur d’un site historique comprenant la grande verrière de la gare d’Austerlitz, l’hôpital de la Salpêtrière et le jardin des Plantes (voir annexes I et II) ;
- le conseil immobilier de l’Etat s’interroge à la fois sur l’intérêt de l’opération pour l’AFD, dans un contexte de développement du flex-office, et sur le « hiatus entre posture environnementale et choix immobilier », l’AFD s’étant engagée à être 100% accord de Paris ;
- les défenseurs de l’environnement y voient un symbole des « grands projets inutiles et climaticides », alors que 4,3 millions de m2 de bureaux cherchent preneur en IdF et que la construction compte pour 60% dans le bilan carbone d’un bâtiment ;
- les Parisiens s’inquiètent de l’impact du centre commercial sur le commerce de proximité (Mouffetard, Aligre) et de l’effet « îlot de chaleur » de cette masse de béton – une pétition a déjà recueilli près de 43 000 signatures ;
- des parlementaires de tous bords1 s’alarment du coût élevé et des risques de l’opération. Les surfaces acquises par l’AFD excèdent en effet largement ses besoins. Outre son siège social actuel, elle devra donc, dans un contexte de crise historique du marché immobilier, revendre les m2 excédentaires, achetés 50% plus cher que des transactions comparables ;
- le Conseil de Paris a voté contre le projet, mobilisant des groupes de tous bords, à l’exception des socialistes et des communistes. L’opération reste soutenue par l’exécutif parisien, car elle contribue à renflouer le budget de la SEMAPA à hauteur de 200 M€ ;
- Les principaux élus parisiens, proches ou membres du mouvement présidentiel, ont publiquement dénoncé ce projet comme « anachronique et pharaonique, qui ne correspond en rien aux attentes des Parisiens et aux défis de la transformation écologique ».
Les travaux n’ont pas débuté. En cas de suspension du projet, le préjudice réel sera minime, au regard du risque financier pris par l’AFD. Le moratoire des JO donne le temps nécessaire pour converger sur un projet qui suscite l’adhésion (voir annexe III).
L’implication de la présidence de la République pour imposer la dénonciation du contrat qui vient d’être signé par l’AFD serait un signal politique fort en faveur d’une puissance publique sobre dans ses investissements et crédible dans son engagement pour le respect des accords de Paris.
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