La révision du Plan local d’urbanisme de Paris est en cours et dès les premiers échanges la question de la densité a été soulevée.
Pour l’exécutif parisien, la densité semble se limiter au nombre d’habitants à l’hectare et sa conviction repose sur une stabilisation de la population résidentielle au cours des prochaines années. Partant de ce constat elle évoque la nécessité de continuer à construire à Paris pour faire face à l’explosion du nombre de logements transformés en résidence pour touristes, à l’accroissement des résidences secondaires et à l’évolution importante du nombre de décohabitations doublant les besoins en logements par famille.
La Ville argue que Paris a connu au cours du siècle passé un pic supérieur à 3 millions de Parisiens et qu’il n’est donc pas invraisemblable de viser le maintien à son niveau actuel la population parisienne.
Cette vision est-elle pertinente ?
Le seuil de densité acceptable n’est-il pas déjà atteint ou dépassé ?
Faire reposer l’approche urbanistique sur la seule densité résidentielle apparaît anachronique alors que la plupart des études récentes mettent en évidence une notion de « territoire » sensiblement plus complexe. Si l’on dort quelque part, on travaille ailleurs, on se cultive, fait du sport, pratique des loisirs, etc. dans de multiples territoires. Sans compter la dépendance aux territoires plus lointains permettant de vivre où on habite car fournissant la nourriture, l’énergie, les biens consommés, etc.
A Paris, la situation est exceptionnelle à tout point de vue.
Paris compte environ 2,2 millions d’habitants mais voit aussi arriver chaque matin, 1 million de personnes venant y travailler sans y résider. A cela il faut bien évidemment ajouter les millions de touristes annuels. Avec une capacité hôtelière de près de 700 000 chambres et en ajoutant les résidences touristiques privées estimées entre 30 000 et 90 000, on approche ainsi allègrement les 4 millions de personnes présentes à Paris chaque jour.
Cependant la perception de ces différentes populations est radicalement différente selon les arrondissements ou les quartiers.
En effet au-delà de la population présente, il faut prendre en considération la densité construite, c’est-à-dire le nombre et le volume de bâtiments.
Ainsi le premier arrondissement qui est le moins dense en population (93 hab/ha contre une moyenne parisienne de 260 hab/ha -hors les bois) a en revanche une forte densité en bâti.
La carte en 3D du bâti parisien illustre parfaitement le ressenti différent que l’on peut avoir selon les quartiers.
Or la densité bâtie de Paris (Surface de plancher totale/surface arrondissement sans les bois) est passée de 1,49 à 1.53 de 2002 à 2018 (source DGFIP). Et depuis 2018, les grues n’ont cessé de proliférer.
La carence en espaces verts à Paris est tout à fait impressionnante. Hors les bois dont on ne peut pas prétendre à la proximité immédiate et les cimetières, chaque Parisien dispose d’à peine 3 m² d’espace vert accessible. L’OMS (Organisation Mondiale pour la Santé) préconise un minimum de 10 m²/hab de proximité pour la bonne santé des habitants.
En termes de santé, la priorité serait donc de cesser de bétonner Paris et de prévoir une multiplication des espaces verts en commençant par renoncer aux grandes emprises encore vierges de construction comme Bercy-Charenton ou Bruneseau Nord. C’est aussi ce que recommande le GIEC pour la lutte contre le réchauffement climatique et l’adaptation aux nouvelles conditions de vie.
Mais une vision d’envergure imposerait de sortir le Petit Paris de ses limites du périphérique et prendre en considération l’interpénétration et l’interdépendance des différentes communes au sein de la Métropole du Grand Paris, voire au plan régional.
En effet la densité moyenne de population dans la Métropole du Grand Paris (hors la capitale) est inférieure à 70 hab/ha, pour 260 à Paris .
S‘il n’est pas imaginable de tendre vers la même densité sur tout le territoire métropolitain, une approche globale de l’aménagement du territoire métropolitain semble indispensable intégrant ses différentes composantes.
L’égoïsme municipal parisien et des Hauts de Seine est à l’origine des graves inégalités territoriales et donc sociales et environnementales qui gangrènent la métropole.
Le Schéma de cohérence territorial (SCoT) de la Métropole du Grand Paris est en cours d’approbation. Il serait pour le moins pertinent que Paris décline avec force ce schéma en mettant en avant sa « dette » historique vis-à-vis des territoires la servant depuis si longtemps.
Il est temps de privilégier le rayonnement de l’ensemble de la métropole et pas seulement la capitale, la solidarité face à l’emploi plutôt que la captation de l’essentiel des emplois de direction, une juste répartition des ressources entre toutes les communes métropolitaines, et la fin d’une fuite éperdue vers toujours plus d’emplois, de touristes, d’habitants que les infrastructures de transports ne sont plus en capacité d’absorber.
Avoir le souci des générations futures, sortir du court terme dans une approche systémique et solidaire, voilà ce qui conduirait à un PLU non seulement bioclimatique, mais capable d’affronter les défis qui nous assaillent.