Tribune FNE Paris
Quels objectifs, quels moyens, quels résultats ? Nous nous interrogeons sur la transformation généralisée des cours d’écoles en cours Oasis, prévue pour concerner à terme les 760 écoles et collèges parisiens.
La mairie de Paris a lancé fin 2018, dans le cadre d’un appel à projets urbains innovants, l’aménagement de cours d’écoles (environ 30 en 2019 et en 2020) en cours « Oasis ». Ce programme est affiché par la Ville comme une des actions de la « Stratégie de résilience » de Paris en réponse à l’urgence climatique. La méthode « Oasis » consiste concrètement à débitumer et végétaliser les cours d’écoles, en co-conception avec les usagers, enseignants et enfants, avec, pour objectifs, la création d’ilôts de fraîcheur et un meilleur partage de l’espace ( partage mixte ).
Adapter la ville au réchauffement climatique, aménager les cours d’écoles, en réduisant les surfaces d’enrobé et en introduisant davantage de végétal, offrir aux enfants des espaces plus agréables et mieux adaptés à leurs pratiques, sont bien entendu des objectifs auxquels on ne peut que souscrire.
Le problème, c’est que ces aménagements, fort coûteux puisqu’il s’agit de budget annuel de 2 millions d’euros environ par arrondissement, financés par les budgets participatifs, ne prennent pas du tout en compte le contexte des écoles, n’ont aucune vision d’ensemble de l’espace et se résument bien trop souvent à une accumulation de mobilier urbain hétéroclite de médiocre qualité qui risque fort de très mal évoluer dans le temps.
Les colorations au sol, souvent criardes, brouillent la perception de l’espace, le projet ne prend pas en compte le bâti, ce qui est particulièrement dommageable quand l’école a une unité architecturale comme c’est le cas de l’école Charles Hermitte, Paris 18e.
Nous rappelons que les écoles parisiennes, dont certaines sont de très grande qualité, font partie de notre patrimoine architectural et que toute intervention devrait faire l’objet d’un projet d’ensemble qui respecte le bâti existant, dans le cadre d’une programmation cohérente. Or, l’impression qui domine ici est que chaque mairie d’arrondissement met en œuvre sa propre vision, comme par exemple ces aménagements routiers et cyclistes assez incongrus, dans l’école de la Brèche-aux-loups, Paris 12e…
Le résultat global relève de la même logique que celle des aménagements d’espaces publics parisiens récents que nous dénoncions dans une précédente tribune, à savoir une programmation spatiale floue, un encombrement de l’espace et au final une impression générale de chaos qui ne va pas dans le sens du « climat social apaisé » revendiqué par la Ville.
Enfin, pour ce qui est de l’avenir, le poids de ces projets en terme budgétaire est tout sauf anecdotique puisque la ville a prévu d’aménager à terme l’ensemble des écoles et des collèges parisiens selon cette méthode soit 760 établissements ( source Agence parisienne pour le climat ).
En conclusion, nous pensons qu’une démarche expérimentale n’a pas vocation à se généraliser dans tout Paris et qu’elle nécessiterait au minimum un bilan pour ouvrir un débat sur l’opportunité ou non de la poursuivre. Il nous parait indispensable d’avoir une vision d’ensemble de ces aménagements et des précisions sur les objectifs et les coûts engagés, dans une période de rigueur budgétaire où l’entretien et la rénovation des écoles sont sévèrement touchés.
Nous nous interrogeons sur la démarche de co-conception avec les usagers, appliquée, de manière systématique et sans recul, à de très nombreux projets, au détriment de la qualité du patrimoine parisien, dont l’entretien et la valorisation sont relégués au second plan.
Lorsque les architectes de l’Atelier de Montrouge ou plus récemment Lacaton-Vassalle élaborent leurs projets, en participation avec les habitants, le résultat est très intéressant. Cependant, c’est une démarche qui demande un grand professionnalisme et qui n’a pas vocation à être généralisée à tous les projets.
Nous regrettons que la nature (qualité des sols, arbres et végétaux) ne soit finalement que peu mise en valeur dans ces aménagements car les cours sont remplies de matériaux divers et hétéroclites, les arbres enserrés et les touffes d’herbe seront rapidement piétinées. Il faudrait au contraire renforcer la nature, aménager des cours davantage plantées et de manière plus naturelle.
Nous sommes donc favorables à des aménagements pour adapter les cours d’écoles au climat (sols perméables, création de bandes de végétation…) mais dans une logique de mise en valeur de la nature et avec une exigence de qualité, une vision d’ensemble des projets, qui prennent en compte le contexte et la qualité architecturale du bâti (typologie, forme, matériaux…), ce qui est très loin d’être le cas aujourd’hui à Paris !
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