Dans cette tribune, France Nature Environnement Paris, fédération d’associations, déplore la dégradation de l’urbanisme de la capitale.
Nous constatons que les Parisiens sont de plus en plus nombreux à manifester leur désarroi, voire leur colère, face à la dégradation de l’espace public dans la capitale ces dernières années, un espace qui représente 28% de la superficie de la ville ! Ils sont d’autant plus désorientés que la mairie s’était engagée à prendre des mesures, or ils ont la nette impression que ces promesses n’ont pas été suivies d’effet.
Faisons rapidement le point :
Concernant l’état des voies publiques, ils ont découvert la baisse dramatique depuis plusieurs années des effectifs et moyens dédiés à leur entretien (100 agents aujourd’hui parait-il pour tous les arrondissements de Paris ?). Des échanges qu’ils ont avec des agents, il ressort que ceux-ci sont souvent en sous-effectif et en manque de matériel pour effectuer efficacement leur travail.
Concernant les jardins publics, ils constatent également la diminution du nombre de jardiniers et le manque de matériel adapté. Les Parisiens sont aussi très préoccupés par la « privatisation croissante » des parcs et jardins au profit d’activités événementielles, rognant sur le peu de nature dont ils bénéficient. Paris reste, on le sait, une ville très minérale, avec une moyenne de 4m2 d’espaces verts par habitant, là où l’OMS en recommande 15, ce qui a des répercussions évidentes en terme de santé publique.
Concernant le très sensible sujet du mobilier urbain, les amoureux de Paris se désolent de voir se dégrader l’exceptionnel patrimoine parisien hérité de Davioud, Wallace, Bienvenue, Forestier, Guimard, Azéma…renouvelé dans les années 1980-2014 par des concepteurs tels que Huet, Mangin, Corajoud, Wilmotte…ainsi que par les architectes et paysagistes des services. Cet héritage patrimonial n’est plus ni considéré ni entretenu, voir laissé à l’abandon comme pour les bancs Davioud. La commission municipale du mobilier urbain, qui coordonnait le travail de ces concepteurs contemporains, ne s’est d’ailleurs plus réunie depuis 2014.
Ils s’étonnent, en revanche, de voir fleurir et implanter sur les trottoirs de manière aléatoire, de nouveaux mobiliers hétéroclites, le plus souvent encombrants et inadaptés: chaises et tabourets, tables pour jeux de dame, équipements de sport…de qualité médiocre et rapidement dégradés. Le tout probablement acheté au coup par coup sur catalogue en dehors de toutes précautions et garanties sur la qualité. Par qui et comment sont prises de telles décisions ? Mystère ! Ils se désolent aussi de voir disparaître les grilles d’arbres historiques remplacées par une diversité de dispositifs manifestement expérimentaux et de végétalisations hasardeuses, dont beaucoup finissent par faire office de poubelles.
Concernant de récents grands aménagements de places historiques ou de places importantes de quartiers comme la Place Gambetta, Paris 20e , les Parisiens ont découvert atterrés, des pseudo-innovations « créatives », utilisant des vocabulaires (matériaux, implantation, composition) ne tenant compte ni des savoirs-faire, ni plus grave, du contexte des lieux comme pour la place du Panthéon. Il fallait sûrement faire quelque chose, mais pas comme cela !
Ce laisser-aller conduit inévitablement à des contresens très onéreux, comme en atteste le fiasco de la promenade urbaine de Barbès-Stalingrad dont le coût serait à minima de 11 millions €. Le récent réaménagement de pseudos « salons urbains » de l’avenue Daumesnil, Paris 12e, n’est pas plus rassurant. Nous alertons sur le fait qu’il y a urgence à réagir face à ces dégradations parfois irréversibles et face à des projets qui risquent de compromettre définitivement l’identité du paysage parisien si ce mouvement se poursuit.
Nous sommes convaincus que les enjeux d’adaptation de la ville au changement climatique ne justifient pas pour autant les réalisations que nous constatons, le défi est immense mais il s’agit de progresser et non de régresser! L’espace public parisien n’est, par ailleurs, ni le prolongement de l’espace privé, ni un terrain de jeux ou d’expérimentations, ni un lieu dédié exclusivement à l’événementiel !
De façon plus générale, les habitants constatent la dégradation des relations entre usagers de la ville dans les rues de Paris, des ambiances tendues, voire agressives alors qu’ils aspirent à une ville apaisée. Certes, rééquilibrer le partage de l’espace en réduisant celui de la voiture au profit des autres types de mobilités va dans le bon sens. Cependant, entre cyclistes, automobilistes, utilisateurs de trottinettes et encombrement des trottoirs, le parcours des piétons, qui représentent le premier mode de déplacements (transports en commun et marche représentent 83% des déplacements), s’apparente trop souvent à un parcours du combattant.
En conclusion, relayant les préoccupations tout à fait légitimes des habitants, nous demandons instamment à la Ville de se recentrer sur ses véritables missions, à savoir dans ce domaine, l’entretien des espaces publics, de la voirie, des parcs et jardins, dans un objectif d’adaptation au changement climatique. Nous rappelons que ces aménagements doivent être respectueux de l’histoire et du patrimoine parisien, mondialement reconnu, inscrit pour partie au patrimoine mondial de l’Unesco. Nous insistons sur le fait que cette politique, qui contribue à l’attractivité, doit être à la hauteur de la capitale et de ce modèle de ville qu’est Paris, qui reste une des premières destinations touristiques au monde. La Ville doit donc y consacrer les moyens nécessaires, tant humains que matériels, c’est pour Paris un des principaux chantiers actuel et à venir.
France Nature Environnement Paris