Chères amies, chers militants,

Jamais depuis des décennies notre combat n’a été aussi nécessaire, impérieux et urgent. Jamais il n’a exigé d’être aussi efficace.

Vous avez compris que vous disposez d’une arme nouvelle : le recours à la justice, le contentieux. Sur ce front vous menez l’offensive et vous gagnez, vous êtes donc exemplaires et, du fond d’un demi-siècle de militantisme souvent improductif, je vous en félicite. Bravo !

J’ai cru longtemps qu’on ne pouvait à la fois parlementer avec les élus et les traîner devant les tribunaux. J’ai méconnu l’obstination de la plupart d’entre eux à mépriser l’écologie et ceux qui la portent, les associations.

Cessons de les ménager. Mettons en cause leurs projets, leurs décisions en les faisant annuler par les tribunaux. Ainsi nous menaçons ce qui les fait vivre : leur réélection. Autrement dit, utilisons le pouvoir judiciaire pour agir sur les deux autres pouvoirs : l’exécutif et le législatif.

C’est strictement conforme à notre démocratie.

On peut attendre de multiples effets de l’action en justice :

*Elle alerte les médias sur ce qui nous préoccupe.
*Elle est une occasion de se faire connaître et d’informer l’opinion.
*Elle mobilise les militants et peut attirer des sympathisants à recruter.
*Elle inquiète les élus et peut les déstabiliser si les circonstances s’y prêtent (perspective d’élection, difficultés à l’intérieur du parti).
*Elle retarde l’exécution des  projets, les place en situation d’insécurité juridique et peut les remettre financièrement en cause.
*Elle ouvre la voie à la modifications des projets ou à des transactions.
*En cas de succès, elle fragilise les élus et les force à la réflexion.
*Elle peut les obliger à changer de politique. C’est le but recherché.

Mais l’action contentieuse est ultra technique, parfois fort longue, coûteuse. Elle nécessite donc la mobilisation de fortes compétences techniques et juridiques, une patience voire une opiniâtreté exceptionnelle, une bonne stabilité de l’association et des ressources financières.

Rassurez-vous, vous n’êtes plus seuls à avoir compris. L’action en justice est devenue un levier pour faire bouger les choses de plus en plus utilisés et dans le monde entier. Actuellement 894 actions contentieuses sont en cours dans le monde touchant le seul changement climatique, 74% aux Etats-Unis, 13,3 % seulement en Europe. Nous sommes en retard : timidité envers le pouvoir, incompétence juridique, crainte de dépenser ?

C’est pourquoi j’ai énuméré ci-dessous les conditions du succès. Ce que j’appelle

“Les 11 commandements d’une action contentieuse”

*Une action décidée majoritairement par le CA ou le bureau (décision démocratique)

*Une action coordonnée avec FNE Ile-de-France (éviter les doubles emplois) ou d’autres associations

*Une action conforme aux statuts pour être recevable (vérifier et les modifier si besoin.)

*Une action mise en œuvre par un responsable clairement désigné par le CA ou par les statuts (les vérifier).

*Une action choisie parmi les options : en appui d’une action locale, en appui d’une action régionale ou nationale, une action directe de la fédération départementale, une action de groupe (étudier avantages/inconvénients).

*Une action forte, touchant tout***e l’Ile de France, symbolique, mobilisatrice (accompagnée de démarches, manif, pétition, lettre aux élus, etc…)

*Une action gagnable (étude soigneuse de la jurisprudence avec l’avocat).

*Une action utilisant le plus pertinent des recours (pénal, civil, tribunal administratif, Cour européenne des droits de l’homme, Cour de justice de l’Union européenne)

*Une action imaginative : utilisant toutes les ressources du droit et pas seulement celui du code de l’Environnement ou du code de l’Urbanisme. Exemple : l’association américaine « Our children trust » porte plainte au nom de 21 ados américains contre l’Etat fédéral pour Insuffisance des mesures climatiques. Motif invoqué : discrimination entre les victimes et les industries polluantes

*Une action à la médiatisation maîtrisée : quels arguments, quels supports, combien de temps ?

*Une action financée par une collecte spécifique (on ne pourra plus compter sur les subventions des institutions mises en cause) avec création d’une caisse « ad hoc », relances et comptes-rendus.

Trois difficultés spéciales à surmonter : j’y insiste

La compétence

La création au sein des associations d’un groupe spécial « contentieux » paraît nécessaire. Ce que j’appelle une « task force » Il s’agit, avec l’avocat soigneusement choisi, de spécialiser des militants, de leur faire monter les dossiers, de les suivre, d’en imaginer de nouveaux, de tirer la leçon des succès et des échecs.

La communication

Mais il s’agit aussi de communiquer sur ces actions, d’en tirer avantage ; de réveiller les volontés si nécessaire. Quelqu’un devrait être désigné pour ce travail là.

Le financement

A mon sens il devrait bénéficier d’un budget spécial, distinct du budget de fonctionnement de l’association, alimenté par des souscriptions ciblées faisant l’objet d’une information régulière et transparentes

D’autres associations ont résolu la question :

*L’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) pratique intensément le contentieux, en gagne une bonne partie et achète des centaines d’hectares mis en réserve, le tout par appel à des souscripteurs. Elle refuse toute subvention publique.
*La fondation Franz Weber, à Lausanne en Suisse, finance de la même manière des actions de protection du patrimoine et des animaux dans le monde entier.

*Le Muséum d’histoire naturelle, à Paris, améliore la ménagerie des orangs-outans en les faisant parrainer (financièrement) par des particuliers. De même le WWF finance la survie des orangs-outans, à Bornéo, en sollicitant des dons.

A ces conditions l’action contentieuse peut se révéler décisive. Je vous souhaite de brillantes victoires. En avant !

Marc Ambroise-Rendu