Voici la lettre envoyée par FNE Paris à Emmanuel Grégoire le 17 mai et restée sans réponse. Lors de la réunion publique de présentation du PLU du 18e, la ville a admis que ce diagnostic était incomplet et que des réponses seraient données à nos questions à condition de les poser sur le site de la consultation :
Ce diagnostic territorial, qui n’en est pas un, propose une photographie, inexacte sur plusieurs points, qui ne rend pas compte des dynamiques urbaines à l’œuvre et ne permet pas de poser les bases d’un PLU bioclimatique répondant à la gravité des enjeux environnementaux et sociétaux : sobriété, neutralité carbone, adaptation, atténuation, anticipation, résilience.
En attendant le nouveau PLU Bioclimatique, nous demandons un moratoire et une réorientation des projets en phase avec les règles à venir.
Paris le 17 mai 2021
A l’attention de Monsieur Emmanuel Grégoire
Premier adjoint à la Maire de Paris
Monsieur le Premier Adjoint à la Maire de Paris,
Par votre courrier du 8 avril vous avez informé France Nature Environnement Paris de l’ouverture d’une nouvelle étape de la démarche de révision générale du PLU avec la publication, à partir du 12 avril, du diagnostic territorial et la mise en place d’une concertation engagée dans les quartiers par la municipalité sur ce travail.
Nous avons donc consulté le diagnostic territorial mis en ligne sur le site de l’Atelier parisien d’urbanisme. Nous espérions, au vu du très important volume du document (800 pages de texte, des dizaines de cartes numériques …), avoir affaire à une solide base de travail pour l’élaboration du futur PLU dont l’orientation bio climatique devrait marquer, selon nous des avancées majeures.
Force est de constater que ce document n’est malheureusement pas à la hauteur des ambitions affichées et que le rapport de présentation de la modification du PLU de 2016 abordait de manière beaucoup plus pertinente les grands enjeux urbains et environnementaux.
Il nous parait tout d’abord fondamental de disposer d’un vrai bilan de l’application du PLU depuis les modifications des années 2006, depuis l’abandon des COS (Loi ALUR) et la modification de 2016 notamment sur la densité et sur la production de nouvelles formes urbaines et sur l’impact de ces modifications dans les parcelles des tissus constitués.
C’est pourquoi nous estimons, qu’à l’échelle de l’ensemble du territoire parisien, le présent diagnostic est largement insuffisant. Les données générales de synthèse sont réduites à une dizaine de pages et pratiquement sans aucun tableau .
Pour nos associations, un diagnostic territorial complet, à la hauteur des enjeux bio climatiques annoncés, devrait comporter, les éléments de bilan des mandatures précédentes et proposer une vision géographique globale (métropolitaine, régionale voire nationale), analyser les dynamiques urbaines à l’œuvre, présenter un diagnostic environnemental approfondi, expliciter les liens entre urbanisme et finances municipales et mettre en cohérence ces différentes données.
Voici nos principales demandes d’évolution du diagnostic:
– Situer le diagnostic dans une vision géographique globale :
Le choix a été fait de multiplier les informations, arrondissement par arrondissement, ce qui, en soi est bien sûr, intéressant mais cette approche localiste se fait au détriment d’une vision globale pour la capitale et de son inscription dans les contextes métropolitain et francilien. Aussi il est pratiquement impossible pour les Parisiennes, les Parisiens … et sans doute leurs élus de se faire une idée d’ensemble sur les grands enjeux de l’urbanisme de demain.
Ce morcellement du diagnostic territorial ne permet pas de documenter les questions générales qui doivent impérativement être débattues : densité bâtie, équilibre des destinations, place de la nature en ville, concentration de la population, des emplois et des équipements à Paris, coopérations métropolitaines et régionales …
-Mettre en lumière les dynamiques urbaines à l’œuvre ces dernières années :
Le PLU régit les constructions ou transformations de bâtiments ; il est donc regrettable de ne trouver pratiquement aucun élément sur ce qui s’est construit pendant la période passée – hormis en matière de logement social- et, en particulier, depuis l’adoption du PLU de 2006, après la loi ALUR de 2014 abolissant les COS et depuis la modification de 2016.
Le diagnostic est l’occasion rêvée de porter un regard sur ce qui a été fait au titre des règles d’urbanisme actuelles et antérieures afin d’orienter le plus judicieusement possible le futur PLU. Combien de logements, de bureaux, de commerces se sont-ils construits chaque année ? Quelles surfaces ? Comment la densité bâtie des projets a-t-elle évolué après la loi ALUR ? Comment a évolué le plein sol dans les parcelles privées ? La concentration des emplois se poursuit-elle à Paris ? Ces questions ne sont pas ou à peine évoquées et ne trouvent souvent des éléments de réponses que de façon éparse dans les chapitres concernant les arrondissements.
– Approfondir le diagnostic environnemental :
S’agissant d’élaborer un « PLU bioclimatique », le diagnostic territorial se doit impérativement d’être très complet au regard de la biodiversité et des questions touchant au réchauffement climatique et à la santé environnementale ( par exemple inégalités socio spatiales et pathologies, exposition aux pollutions..) ; les données relevant de l’empreinte environnementale et climatique de l’urbanisme (décarbonation, transition énergétique, énergies renouvelables, performance des éco quartiers existants, bilan de la lutte contre les ICU dans une ville très vulnérable aux canicules…) et de la construction de la période écoulée devraient être fournies.
Encore une fois, au regard du rapport de présentation du PLU en 2016, les données sur l’état et l’évolution des espaces verts, la place de la nature à Paris, la biodiversité sont particulièrement minces. Un des rares chiffres mentionnés de 7,2 m2 d’espace vert hors bois par habitant ne correspond à aucune donnée disponible par ailleurs (le rapport ci-dessus évoqué mentionne 580 ha pour les jardins publics, 600 pour les jardins privés, soit 5,4 m2 par habitant).
-Eclairer les liens entre urbanisme et finances municipales :
Ce sujet, nécessairement très déterminant vis-à-vis des politiques municipales, n’est jamais abordé : c’est extrêmement dommageable pour le débat public. Chacun comprendra que certaines politiques sont coûteuses pour la collectivité (construction de logements sociaux, d’équipements, d’espaces verts …) et que d’autres, au contraire, génèrent des recettes (droits de mutation, taxes diverses, cessions …). Il est malsain que ne soit jamais évoqué le fait que la Ville de Paris bénéficie d’une importante recette foncière qui découle directement de l’activité immobilière privée. Autant il est légitime et nécessaire que les questions financières interviennent dans les prises de décisions municipales, autant il n’est pas admissible que ce facteur soit systématiquement occulté. Le diagnostic territorial devrait donc clairement indiquer ce que sont les dépenses et recettes liées à l’immobilier pour la Ville de Paris.
-Mettre les données en cohérence et corriger les erreurs :
De nombreux documents doivent trouver un écho dans un diagnostic innovant pour l’élaboration d’un PLU bioclimatique: les plans biodiversité, climat, santé environnementale, plan arbre…
Ces plans indiquent des objectifs ambitieux qu’il est indispensable de situer dans le contexte d’un diagnostic de l’existant.
Par ailleurs une relecture attentive doit permettre de corriger des incohérences: un exemple parmi d’autres : il est écrit que « Paris comprend 257 000 logements sociaux, dont 328 000 dans les seuls XVè, XVIIIè et XXè arrondissements (126 000 + 104 000 + 98 000) .
En conclusion il nous parait difficile d’élaborer un PADD et un PLU bio climatiques sans que le diagnostic soit complété par les éléments que nous demandons dans le présent courrier.
Pionnière dans l’élaboration d’un premier PLU bioclimatique la ville de Paris ne saurait brûler l’étape clé d’un diagnostic exemplaire.
Enfin, nous approuvons la consultation au plus près des citoyens et des quartiers mais il nous semble nécessaire de compléter cet exercice démocratique par des séquences de travail où les associations comme la nôtre œuvrant à l’échelle de l’agglomération pourront dialoguer avec les élus de la commission urbanisme, les services de la ville et avec l’Atelier Parisien d’Urbanisme tout au long de la procédure de révision du PLU. C’est notre souhait pour développer plus avant les propositions que nous formulons. Nous vous rappelons en pièce jointe notre contribution à la consultation citoyenne d’octobre 2020 sur le PLU « Quel Paris en 2030? »
Nous sommes à votre disposition ainsi qu’à celle de votre cabinet, pour entrer dans le détail de ces analyses et vous prions de croire, Monsieur le Premier adjoint, à l’expression de notre haute considération.
Christine NEDELEC, Présidente de FNE Paris
PJ . Contribution de FNE Paris à la conférence citoyen.ne sur la révision du PLU
Copie : Mme Anouch Toranian Maire Adjointe en charge de la vie associative, de la participation citoyenne et du débat public et Mmes et MM les membres de la Commission urbanisme de la Mairie de Paris.