Sans concertation, ce grand écrin de verdure au cœur de Paris est promis au béton. Cimentation des allées, Grand Palais « éphémère » monumental et espaces techniques pris sur les jardins, c’est un bon quart du parc qui va être soustrait aux Parisiens qui n’en savent rien.

Cimentation des allées de la tour Eiffel 

Pendant que les Parisiens étaient cruellement privés d’espaces verts durant le confinement, d’importants travaux de terrassement avaient lieu dans les allées latérales de la tour Eiffel. Les millions de visiteurs doivent désormais s’entasser pour franchir les sas de sécurités, comme dans un aéroport. Ceux-ci ont été intégrés au grand mur de verre et de métal qui emprisonne et enlaidit depuis deux ans la vieille dame ainsi que les deux charmants jardins à l’anglaise, réduits à des zones de file d’attente. 

Du stabilisé traditionnel au béton : allée latérale de la tour Eiffel en cours de terrassement. Mai 2020

Ces allées n’ayant pas été conçues pour résister à une telle fréquentation, il a donc fallu… les bétonner. Seuls les pieds des arbres sont encore à l’air libre. Tout ceci n’était bien sûr pas annoncé à l’époque de la présentation du projet du mur, tout comme n’était pas annoncée l’implantation de plusieurs centaines de bornes anti-bélier dans un design en métal blanc complètement inadapté à l’esprit du lieu et d’un espace vert parisien. 

Ces conséquences malheureuses sont le cortège caché de tous les grands projets. Tout comme, aux Champs-Élysées, l’implantation de la sculpture de Jeff Koons n’évoquait pas la destruction de la pelouse qui l’accueille. 

Rappelons que jusque dans les années 2000, le terre-plein sous la tour Eiffel n’était pas bitumé mais sablé. Et auparavant, il y avait là une grande pelouse dans la continuité des grandes pelouses du Champ-de-Mars. 

Travaux terminés, allées bétonnées.

Toute cette grande parcelle au pied de la tour, à l’origine un beau jardin surplombé d’un monument, est aujourd’hui presque intégralement minéralisée. On ne peut décemment plus parler ici d’espace vert. La Ville, qui prétend désimperméabiliser les sols et se targue de nouveaux hectares d’espaces verts créés, a-t-elle bien soustrait ces surfaces nouvellement étouffées de ses calculs? Sans doute pas.

Par ailleurs, une allée de fortune s’est créée sur une pelouse du côté du pilier Est. En effet, la promenade entre Trocadéro et Ecole Militaire étant désormais entravée par le mur, les promeneurs et les touristes empruntent naturellement et massivement un nouvel itinéraire à travers une pelouse ravagée de plus.

Le mur pour la paix disparaît… pour mieux revenir

Ce monument, dont personne ne conteste le symbole mais la réalisation ou la localisation, était une installation éphémère, restée en place illégalement depuis vingt ans. Il vient d’être démonté pour être réinstallé un peu plus loin dans le quartier, avenue de Breteuil, sur une pelouse qui sera elle encore presque intégralement bétonnée. Mais surtout, le mur sera rehaussé à huit mètres de hauteur, bouchant une des plus belles perspectives sur les Invalides. Une alternative judicieuse avait pourtant été proposée à proximité du Ministère de la Défense, à Balard.

La perspective patrimoniale vers le dôme des Invalides bientôt bouchée avenue de Breteuil. Image du projet © Agence Wilmotte & Associés

C’est semble-t-il quasiment toute une pelouse de pleine terre, une de plus, qui va être sacrifiée pour la dalle de béton et ses abords cimentés également. Image du projet © Agence Wilmotte & Associés

Grand Palais soit-disant éphémère, cinq ans minimum et 110 pieux pas éphémères du tout

Le Grand Palais va subir des travaux pharaoniques pour un demi milliard d’euros. Et c’est le Champ-de-Mars qui va accueillir un Grand Palais « éphémère »… pour au moins cinq ans ! 11 000 mètres carrés d’emprise au sol annoncés, mais combien en réalité si on compte les espaces techniques ? Au moins 1 225 m2 sont à additionner pour le local chauffage et climatisation, appelé sans honte « jardin technique », côté avenue de la Bourdonnais. Plus des extensions temporaire de 4 650 m2 un mois par an, soit 75 m de plus jusqu’à l’allée Risler.

Image du projet de Grand Palais « Éphémère » sur le Champ-de-Mars. Manque sur cette image l’extension du bâtiment prévue jusqu’à l’avenue Charles-Risler. © Wilmotte & Associés

Contrairement aux annonces, l’emprise du Grand Palais « éphémère » sur le Champ de Mars ne représentera pas 4,6 % de sa superficie mais environ 11% du parc. En effet, les trois partenaires : Réunion des Musées Nationaux, Ville de Paris, Comité d’organisation des Jeux Olympiques ont signé une convention stipulant une superficie totale maximale de 27.100 m2 (élément principal 13.500 m2, élément complémentaire 10.000 m2, jardin technique 3.600 m2). Rapportés à la superficie totale du Champ de Mars de 24 hectares, les 2,7 hectares représentent 11 % du parc. Si on les ajoute aux 3,5 hectares déjà absorbés dans le périmètre du mur de sécurité de la tour Eiffel et de ses abords, c’est plus de 25 % du jardin rendus inaccessibles aux Parisiens.

La structure du Grand Palais « éphémère » nécessite un ancrage par pieux en béton de 14 mètres de profondeur. Ce seront 110 pieux enfoncés dans le cœur du jardin. Les travaux viennent de commencer mi-juillet dans le sol du Plateau Joffre et de la grande pelouse. Comme leur extraction n’a pas été exigée après le démontage, ces pieux resteront en place, permettant à  la Ville d’organiser des manifestations lourdes. Une bétonisation de la pleine terre proprement insupportable !

Les travaux ont commencé le 15 juillet 2020, au lendemain du feu d’artifice.

La Commission des Sites habituellement aux ordres de l’Etat ou de la ville a eu exceptionnellement beaucoup de mal à voter ce projet. Il s’en est fallu de très peu que son avis soit défavorable tant le dommage au site classé était grave.

Au recours en annulation de la convention entre la Ville de Paris, la Réunion des Musées nationaux, et le Comité des Jeux olympiques déjà engagé, les Amis du Champ de Mars viennent d’en ajouter un autre à l’encontre de la concession donnée par ces deux derniers acteurs, au prestataire GL Events. Cette action fondée sur de solides arguments juridiques est exercée avec le Comité d’aménagement du 7e arrondissement devant la Cour administrative d’appel, directement compétente aux termes de la loi olympique.

Comme d’autres représentants politiques, la maire du 7e arrondissement s’élève contre le projet de Grand Palais « éphémère » et a mis en place une pétition ayant recueilli plus de 26.000 signatures dont voici la teneur :

« La Mairie de Paris, Paris 2024 et la Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais ont prévu d’ériger, au mépris des riverains et sans concertation, un Grand Palais « éphémère » pendant 4 ans, sur le Champ de Mars, de 2020 à 2024. Ce projet témoigne d’un mépris des Parisiens qui s’élèvent chaque jour contre la densification de leur Ville, aux dépens des espaces verts et de l’espace public. Alors que les travaux permanents et que la surfréquentation touristique dégradent la qualité de vie et créent de l’anxiété, la RMNGP et Paris 2024 s’obstinent dans la création d’une structure aussi dispendieuse qu’inutile. Le Grand Palais « éphémère » sur le plateau Joffre, c’est plus de 10 000 m2, et jusqu’à 18 000 m2 à l’occasion des grands événements… qui occuperont le site en continue puisque c’est la vocation qui a été assignée à cette structure ! Je m’élève depuis plus d’un an, aux côtés des riverains, contre ce projet qui n’est ni utile, ni nécessaire. La construction puis l’exploitation de ce site va générer de nombreux allers-retours de camions de chantier et d’engins de génie civil. Non seulement démesuré, ce projet sera en plus polluant, complètement anti-écologique. Signez la pétition contre la création d’un Grand Palais, aux allures de terminal d’aéroport, au cœur de l’espace vert le plus visité de Paris. »

Lien de la pétition : https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/contre-projet-grand-palais-ephemere/77022

Sanctuarisons le Champ-de-Mars !

Le parc du Champ de Mars a été loti à plusieurs reprises déjà, nous ne pouvons prendre le risque d’un « éphémère »qui s’éternise. Il est encore temps de trouver pour ce Grand Palais temporaire une place ailleurs aux portes de Paris.Plus que jamais, les Parisiens ont besoin de nature : nous demandons la sanctuarisation du Champ-de-Mars, du jardin et de sa pleine terre.

FNE Paris
SOS Paris