A Paris, les espaces privés plantés représentent une superficie de plus de 600 ha * soit plus que les parcs et jardins publics qui comportent 580 ha et un ordre de grandeur identique à celle des deux grands bois de Boulogne et de Vincennes (847 et 993 ha).
La préservation – voire le développement- de ces espaces est donc un enjeu majeur, or le PLU de la ville de Paris se montre fort peu soucieux de cela.
Quelques extraits bien choisis du règlement du PLU montrent clairement les aberrations et insuffisances criantes, ainsi :
- Dispositions générales, article VI – Applications du règlement aux constructions existantes, 1° Dispositions générales : « Lorsqu’une construction existante n’est pas conforme …l’autorisation d’exécuter des travaux ne peut être accordée que pour des travaux qui n’aggravent pas la non-conformité de la construction …ou sont sans effet à cet égard ».
Autrement dit, une parcelle sur laquelle le plafond de hauteur est dépassé ou les espaces libres insuffisants peut néanmoins recevoir des constructions supplémentaires (par exemple, surélévation d’une construction existante sur une parcelle par ailleurs en déficit d’espaces libres).
- Dispositions générales, article VIII – Définitions : Espace vert protégé
De nombreux espaces verts privés sont classés Espace vert protégé (EVP) …mais seule une surface réglementaire est répertoriée en annexe au PLU sans aucune mention concernant réellement la végétation : nombre d’arbres, qualité de la végétation … la « protection » porte donc sur un espace qui n’est pas décrit.
- Article UG.5 – Superficie minimale des terrains constructibles : « Néant ».
Tout interstice est bon à bâtir ;
- Article UG.10.1-Plafonnement des hauteurs,4° Travaux sur les constructions existantes:
« …Les dispositifs destinés à économiser de l’énergie ou à produire de l’énergie renouvelable …peuvent faire l’objet d’un dépassement de hauteur…Il en est de même des équipements et des serres de production agricole installés sur les toitures. » …sans limitation de sur-hauteur et même si la construction existante est déjà hors gabarit !
- Article UG.11.5.3 Parcelle signalée pour son intérêt patrimonial, culturel ou paysager: « Les parcelles comportant aux documents graphiques du règlement l’indication « Parcelle signalée pour son intérêt patrimonial… » ne sont soumises à aucune contrainte réglementaire pour ce motif. Ce signalement a un caractère informatif. »
C’est ahurissant d’oser écrire cela !
- Article UG.13.1.2 Normes relatives aux espaces libres, à la pleine terre et aux surfaces végétalisées … l’article définit une notion de surface végétalisée pondérée et consacre l’équivalence d’un m2 de surface de pleine terre à deux m2 de surface de toitures ou terrasses végétalisées comportant une épaisseur de 10 cm de « substrat » ! Qui peut sérieusement soutenir une telle équivalence en termes de biodiversité potentielle ?
1° Dispositions générales : « …les espaces libres …doivent présenter une surface au sol au moins égale à 50% de la superficie S correspondant à la partie du terrain située hors de la bande Z » (15m depuis la rue ou la voie privée) ; dans les grandes parcelles il suffit de baptiser voies privées des circulations intérieures pour démultiplier l’ampleur des bandes Z et limiter les espaces libres à la portion congrue ;
« Le terrain doit comprendre après travaux :
- Une surface … au moins égale à 20% de S, obligatoirement en pleine terre ;
- Une surface complémentaire …au moins égale à :
- 10% de S …dans le secteur de mise en valeur du végétal ;
- 15% de S …dans le secteur de renforcement du végétal.
Cette surface complémentaire doit être réalisée prioritairement en pleine terre… »
Chacun de ces deux secteurs représente à peu près la moitié de Paris et ils sont figurés sur une carte ; la dénomination en est fort trompeuse car rien ne permet d’affirmer que le respect de la règle des 10% ou 15% va de facto conduire à une mise en valeur ou un renforcement du végétal !
4° Terrains occupés par des CINASPIC ** : « …la surface S est égale à la superficie du terrain située hors de la bande Z, hors des emprises occupées en rez-de-chaussée ou en sous-sol par ces constructions et hors des emprises des bâtiments conservés. » ; il eut été plus simple d’écrire que les terrains CINASPIC ne sont tenus à aucune norme d’espaces libres puisque c’est ce que signifie cet article ! Or, les CINASPIC (constructions à usage de service public ou d’intérêt collectif) forment une catégorie extrêmement large : notamment crèches, tous établissements d’enseignement, de santé, « résidences sociales », établissements culturels et sportifs …Du coup, les normes pour les espaces verts sont fonction elles aussi de la surface que le constructeur voudra bien laisser libre.
- Article UGSU.13- Espaces libres et plantations: Aucune prescription de surface d’espace libre ni de pleine terre ou végétalisée ! La Zone UGSU, Grands services urbains, comprend notamment les hôpitaux et le Parc des expositions.
- Article UG.13.2 Plantations :
- Dispositions générales : « Les arbres existants situés hors de la bande Z doivent être maintenus ou remplacés …sauf … »; donc :
- Tous les arbres situés dans la bande Z peuvent être détruits sans aucune compensation ; pour les grandes parcelles, la surface de bandes Z peut être artificiellement maximisée comme indiqué ci-dessus ;
- Ailleurs, les arbres peuvent être « remplacés » (comment remplace-t-on un arbre qui a plusieurs décennies ?) ;
- Et il y a des exceptions qui permettent d’assouplir encore cette règle ….
- Article UG.13.3- Prescriptions localisées :
- 1° Espaces verts protégés : « La modification d’un terrain soumis à une prescription d’EVP n’est admise qu’aux conditions suivantes :
- Elle restitue sur le terrain la superficie réglementaire d’EVP indiquée en annexe …
- Elle maintient l’équilibre écologique et la qualité végétale des parcelles …
- 1° Espaces verts protégés : « La modification d’un terrain soumis à une prescription d’EVP n’est admise qu’aux conditions suivantes :
Donc, la végétation peut être déplacée (cf. ci-dessus) ! Quant à l’équilibre écologique et la qualité végétale, comme ils ne sont pas décrits, comment donc vérifier qu’ils sont maintenus ?
- Article UG.14 – Règles de densité : « Néant »
On densifie sans limite.
On peut très certainement multiplier des exemples de ce type et convaincre du caractère laxiste du PLU quant à la prise en compte de la nature dans les parcelles privées.
* source : rapport de présentation du PLU 2016, diagnostic.
** CINASPIC = Constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif.
YJ/05-07-2019