Le projet Nouvel R, lauréat de l’appel à projet « Inventons Bruneseau » en mars dernier, préfigure le nouvel urbanisme en vogue à la mairie : un urbanisme de développeurs. Pour la première fois, c’est tout un quartier de ZAC  (Paris Rive Gauche) qui est offert à un investisseur, AG Real Estate, et quatre grands opérateurs, les Nouveaux Constructeurs, Icade et Nexity, avec Frey et un pool d’architectes concepteurs, pour y réaliser 95 000 m² en 6 bâtiments dont 3 IGH dédiés surtout à des logements en accession (on y injectera aussi quelques logements étudiants, une résidence pour personnes âgées, bureaux, commerces et activités).

Bien entendu, le projet lauréat n’a pas fait l’objet d’un débat démocratique ni avec les conseillers de Paris encore moins avec les habitants et associations, selon la méthode de fait dérogatoire et opaque inhérente aux APUI qui conduit à n’examiner les projets retenus au Conseil de Paris qu’au moment du dépôt des permis de construire.

Il faut préciser que le Conseil de Paris a approuvé des modifications du PLU permettant des dépassements des hauteurs pour des immeubles d’activités et non pour des immeubles de logements.

C’est pourquoi, en premier lieu, arguant des vices de forme, les associations de « Concertation Paris Rive Gauche » ne veulent pas servir de caution à ce projet qu’elles contestent depuis le début.

Mais sur le fond, ce projet est avant tout beaucoup trop dense. Et même si les bâtiments affichent une ambition de dé-carbonation très élevée, une couverture à 65% de ses besoins énergétiques par des énergies renouvelables, le projet ne prévoit rien pour les transports en commun, très peu d’espaces verts (un seul square modeste de 1000 m2 pour 95 000 m2 de béton). Il impose des logements dans des tours de grande hauteur à proximité du périphérique et des cheminées de l’incinérateur du SYCTOM, occultant ainsi totalement les problématiques environnementales de pollution, de nuisances sonores et les effets venturi de courant d’air permanents induits par les IGH. Niant le bien-être des habitants ou leurs besoins, ce quartier de tours en bord de Seine essentiellement privé va contribuer à une très forte gentrification encourageant la spéculation immobilière  à plus de 10 000€ le m2.

Les enjeux écologiques et sociaux de la ville exigeraient au contraire d’accroître les espaces verts de pleine terre, de renoncer aux tours de grande hauteur énergivores, de préserver la Seine et les bords de Seine, de limiter les opérations immobilières de logements en accession à la propriété privées qui gentrifient Paris et font exploser la spéculation, de penser la continuité urbaine avec les quartiers et  villes limitrophes dans une conception polycentrique de la métropole du Grand Paris. Un vœu de moratoire a été déposé par Danielle Simonnet au Conseil de Paris de décembre. 

Avec Nouvel R se déploie le marketing de la ville du futur : une ville pour très riches où tout y est privé. Évidemment les logements sociaux et les équipements publics ne sont pas envisagés dans ce programme. Sur les images glacées des architectes, tous les habitants sont au café, les immeubles ruissèlent de terrasses végétalisées : on nous vend des espaces aseptisés venus d’un monde virtuel, bien éloigné de toute réalité.

Ce projet Nouvel R est aux antipodes de l’urbanisme et de la ville que nous désirons.