Hubert Reeves – Il faut sauver les espaces verts de Paris !
CHRONIQUE. L’urgence climatique nous impose de lutter contre les opérations immobilières qui déciment des espaces boisés de la capitale.
Par Hubert Reeves
Au début de l’été, Anne Hidalgo a déclaré Paris en situation d’« urgence climatique ». Il était temps. Car Paris figure à la 5e place mondiale des villes les plus denses, après Dacca (Bangladesh), Manille (Philippines), Le Caire (Égypte) et Mumbai (Inde), et avec un taux d’espaces verts particulièrement faible, soit 14,5 m²/habitant, avec les deux bois de Boulogne et de Vincennes (bien loin des 34 m2 de Nantes, 45 m2 de Londres ou 313 m2 de Göteborg). Selon une étude récente menée par des chercheurs américains du MIT, elle serait même la ville la moins verte du monde.
Aussi, les élus parisiens ont décidé de multiplier les projets en faveur d’une végétalisation des rues et places de la capitale, ou encore annoncé la création de « forêts urbaines » en pleine ville pour lutter contre le réchauffement climatique et les effets de la pollution, au parvis de l’Hôtel de Ville, sur l’esplanade nord de la gare de Lyon, à l’arrière du palais Garnier et sur une partie des rives de Seine. Mais en parallèle de ces déclarations préélectorales, la Mairie valide des permis de construire qui conduisent à détruire de nombreux arbres, sous prétexte de densifier encore plus le tissu urbain, avec des équipements et des logements sociaux supplémentaires.
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Des abris quand Paris est une étuve irrespirable
En contradiction avec les objectifs annoncés plus haut, des opérations immobilières suppriment à Paris les espaces boisés existants, tels « les 90 arbres abattus dans le jardin botanique des serres d’Auteuil pour construire un stade de tennis à la FFT, les 30 arbres abattus au TEP de Ménilmontant pour transformer ce terrain de sport de quartier en logements, les 60 arbres abattus à Netter-Debergue pour une opération sur un terrain de sport de quartier, les 26 arbres abattus à l’ESPCI pour une extension démesurée », dénonce France Nature Environnement Paris.
Sans compter les multiples opérations spéculatives sur de petits îlots, tels que l’îlot Navarre, situé dans une continuité écologique entre le Jardin des plantes et les arènes de Lutèce. Le permis de construire a autorisé un groupe foncier à couper des arbres centenaires au profit d’une maison individuelle de trois étages. L’urgence climatique est telle aujourd’hui qu’elle nous propose de refuser les permis de construire visant des projets spéculatifs qui menacent ces espaces de fraîcheur, de santé et de respiration. Ces espaces verts sont désormais des « zones à défendre ».
La multiplication des mouvements de riverains et de citoyens engagés dans des associations de protection de l’environnement déterminées à préserver ce patrimoine exceptionnel en témoigne. À l’image des abris souterrains antiaériens pendant la guerre, ces lieux doivent être préservés, car ils constituent des abris anticanicule et contribuent à sauver des vies humaines quand Paris devient une étuve irrespirable.